Il semblerait que l’éditeur Altercomics, ait tenu ses promesses de faire un effort conséquent sur la traduction en langue française et l’orthographe des textes de certains fumetti du célèbre catalogue de Sergio Bonelli, qu’ils ont commencé à publier depuis le mois d’août (1) : preuve en est la parution des n° 2 disponibles depuis le 8 novembre… Nous en sommes vraiment heureux, notamment pour l’excellente série policière « Julia », scénarisée par Giancarlo Berardi et illustrée pour cet épisode par le virtuose Corrado Roi : voilà qui devrait ravir les amateurs de bandes dessinées populaires italiennes en noir et blanc !
Lire la suite...« Casanova » T1 (« Luxuria ») par Gabriel Bá, Fábio Moon et Matt Fraction
Pour leurs débuts dans l’édition de comics issus de labels indépendants, Urban Comics a choisi de publier une œuvre délurée et décalée venue de chez Icon : « Casanova » de Matt Fraction accompagné par les frères Bá et Moon. Délires pop et espionnage SF sont au programme…
Une introduction prévient les lecteurs : attention, c’est normal si vous ne comprenez rien ou que l’espace-temps se désagrège ou se distord tout au long du récit. Matt Fraction a fractionné et refractionné son histoire, la structurant selon divers dimensions, diverses réalités, embarquant le lecteur dans un voyage multiple où tout et n’importe quoi peut arriver. Ça sonne comme un bon vieux film d’espionnage SF mâtiné de glam où les couleurs sont reines. La première chose qui m’a plu dans « Casanova », c’est bien sûr le dessin de Bá allié à la savante colorisation de Cris Peter. Il y a un véritable travail graphique et esthétique dans ce comic, et il se dégage de tout ça une ambiance toute particulière, à la fois acidulée et rabattue, entre ombres et lumières de boîtes de nuit des sixties. Bonne surprise, un dossier à la fin de l’album nous propose plusieurs textes et documents où les auteurs expliquent leurs choix et leurs motivations dans la création et la réalisation de ce comic. Bá et Peter y parlent de la mise en couleurs de l’œuvre, avec sa palette resserrée de 45 couleurs bien senties, et de la teinte atmosphérique générale choisie pour chaque arc de la série (ici le vert). De même, dans l’édition originale le lettrage a été minutieusement et amoureusement fait à la main par Dustin Harbin, ce qui démontre combien les auteurs, artistes et collaborateurs de « Casanova » ont abordé et vécu cette œuvre avec passion. Il est d’ailleurs dommage que cette édition française ne bénéficie pas elle aussi d’un lettrage manuel, un investissement qui aurait été plus que bienvenu et cohérent.
On sent que Matt Fraction a voulu se donner un espace de liberté totale à travers cette œuvre, pouvant s’y laisser aller à tous les délires, même les plus incongrus, sans jamais perdre de vue son postulat de départ et les ramifications qui en découlent selon une narration un peu secouée. Les hommages à James Bond et à un certain cinéma, à certains comics, sont évidents, et l’ensemble s’avère assez « effervescent ». La famille Quinn dirige l’E.M.P.I.R.E., une agence ayant tous pouvoirs pour que l’ordre règne sur la Terre. Cornelius Quinn, the big chief, a deux enfants : Zephyr et Casanova. Zephyr, avec ses allures sculpturales, sexy et libidineuse à souhait, est un élément fortement perturbateur pour son frère et les lecteurs. Casanova, lui, est un héros un peu étrange, ne sachant pas trop lui-même ce qu’il doit être tout en ayant un aplomb et une volonté indéniables. Entre le père, son fils et sa fille, l’E.M.P.I.R.E. a du mouron à se faire, car entre obéissance, trahison, devoir et nécessité, les protagonistes vont bifurquer et surprendre par leurs choix. Fraction et Bá ont créé ici toute une galerie assez réjouissante : outre la vénéneuse Zephyr et le père Quinn bien militaire dans ses bottes, il y a ces robots-femmes créées par Seychelle, sorte de Frankenstein/Andy Warhol, et l’une d’elles, Ruby, qui se retrouvera incarnée dans plusieurs enveloppes plus ou moins avantageuses… Et n’oublions pas les méchants de l’histoire, très réussis : Newman Xeno, parrain de la D.É.F.O.N.C.E., une organisation du crime que ce vilain recouvert de bandages dirige avec la folie requise pour ce genre de rôle, et Fabula Berserko, entité formée par la « fusion » de trois moines, présentant un impressionnant visage à triples bouches nez et yeux (l’invention de ce physique étonnant est une vraie réussite). Même si on se sent parfois un peu largué en lisant ce comic, l’esprit et le graphisme nous font passer un bon moment. C’est assez drôle, sexy, et plein de bonne volonté pour nous entraîner dans d’autres ambiances, entre passé et futur. Un délire psychédélique et mordant.
Cecil McKINLEY
« Casanova » T1 (« Luxuria ») par Gabriel Bá, Fábio Moon et Matt Fraction Éditions Urban Comics (15,00€) – ISBN : 978-2-3657-7181-8
Je l’ai lu l’an dernier. Je me suis forcé à aller jusqu’au bout du premier tome et je n’ai absolument rien compris. Ca m’est littéralement tombé des mains, tant à cause de l’écriture que du dessin, repoussant au possible. En lisant ton article je ne suis toujours pas convaincu
Hello,
Merci pour votre message tout personnel.
Vous savez, je ne cherche à convaincre personne, juste donner mon ressenti et donner envie de lire si ça « parle ». Je comprends tout à fait que vous n’ayez pas aimé cet album. Moi non plus je n’ai pas compris grand-chose, mais cette œuvre m’a intrigué, interloqué, et sa liberté m’a plu. Quant au dessin, je vous trouve bien dur, car le style de Ba lorgne parfois vers de belles ambiances à la Risso… Mais chacun ses goûts!
Bien à vous,
Cecil McKinley