La poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886) est manifestement intrigante. Elle n’a été reconnue comme écrivaine qu’après sa mort, sa sœur découvrant alors 1 775 poèmes qu’elle avait écrits. Cette femme de bonne famille, solitaire, indépendante, insoumise et passionnée par les mots l’était aussi par les plantes et le monde sensible qui l’entourait, comme le montre joliment « Le Jardin d’Emily » de Lydia Corry.
Lire la suite...« La Leçon de pêche » par Émile Bravo, d’après Heinrich Böll
Dans cet album à l’italienne, Émile Bravo adapte une nouvelle d’Heinrich Böll traduite par l’écrivain Bernard Friot.
Heinrich Böll, figure essentielle de la littérature allemande, prix Nobel en 1972, a écrit ce court texte en 1963, dans une période d’expansion où l’on ne connaissait pas encore la crise économique.
Cinquante ans plus tard, cette nouvelle n’a rien perdu de son acuité et permet une réflexion profonde sur le sens de la vie, sur la place que l’on veut occuper dans la société.
Émile Bravo explique sa démarche : « Je souhaiterais que le conte retrouve son sens originel ; au-delà de la distraction, préparer les enfants à la terrible épreuve qui les attend : la vie adulte. »
Dans un petit port de pêche, un pêcheur fait la sieste dans sa barque, au soleil. Cette scène paisible est perturbée par l’arrivée d’un touriste élégant qui ne se gêne pas pour photographier l’autochtone si pittoresque.
S’ensuit une étrange conversation entre ces deux hommes si différents, qui tourne au dialogue de sourds. Le touriste interroge le pêcheur sur son inactivité et lui suggère quelques conseils pour « réussir » dans la vie : travailler plus, pêcher davantage, acheter un chalutier, puis deux, puis un hangar frigorifique, une conserverie et, pourquoi pas un hélicoptère pour surveiller la ressource. Bref, devenir un riche homme d’affaires … Le pêcheur, philosophe et satisfait de son sort, n’entendant rien à ce langage économique, éconduit le quidam.
Ce texte qui dénonce la course au progrès et à l’argent, l’absurdité d’un système qui met en avant l’avoir plutôt que l’être, le pillage des ressources, le non partage des richesses, est magistralement mis en images par Émile Bravo. Il alterne illustrations pleine page et planches en deux ou quatre cases, souligne par les postures des deux personnages leur incompréhension mutuelle et l’absurdité des propos du touriste.
Une fable intelligente, sur le fond et la forme, et un vrai plaisir de lecture.
Catherine GENTILE
« La Leçon de pêche » par Émile Bravo, d’après Heinrich Böll
Éditions Glénat ; collection « P’tit Glénat » (12,20 €) – ISBN 978 2 7234 8233 2