Il semblerait que l’éditeur Altercomics, ait tenu ses promesses de faire un effort conséquent sur la traduction en langue française et l’orthographe des textes de certains fumetti du célèbre catalogue de Sergio Bonelli, qu’ils ont commencé à publier depuis le mois d’août (1) : preuve en est la parution des n° 2 disponibles depuis le 8 novembre… Nous en sommes vraiment heureux, notamment pour l’excellente série policière « Julia », scénarisée par Giancarlo Berardi et illustrée pour cet épisode par le virtuose Corrado Roi : voilà qui devrait ravir les amateurs de bandes dessinées populaires italiennes en noir et blanc !
Lire la suite...« Sandman » T2 par Neil Gaiman & co
Le deuxième tome de cette première intégrale intégrale française de « Sandman » chez Urban Comics est aussi l’un des plus intéressants de la série (oui, je sais, on pourrait dire ça de chaque volume de ladite série, mais celui-ci reste tout de même très particulier). Une version Absolute augmentée qui fera chavirer de bonheur les fans du chef-d’œuvre de Gaiman…
Je ne vous parlerai que succinctement de cet album, ayant déjà consacré un nombre conséquent d’articles sur le sujet ici même depuis quelques années, articles qui disaient tous combien « Sandman » est une œuvre merveilleuse, l’une des plus brillantes jamais réalisées, et combien je vous conseille plus que vivement de la découvrir si ce n’est déjà fait… Ce volume contient les deux cycles « Le Pays du rêve », constitué de quatre récits courts et hétéroclites, et « La Saison des brumes », saga en six chapitres et un épilogue. J’avoue particulièrement aimer « Le Pays du rêve », car les histoires disparates qu’il contient sont singulièrement fortes et inspirées, puissamment évocatrices et très touchantes. Il y a « Calliope », bien sûr, l’un des récits les plus déchirants de « Sandman », où un écrivain sans scrupules séquestre et violente sa muse – incarnée et nue – afin qu’elle lui apporte toujours plus d’inspiration. « Les écrivains sont des menteurs », fait dire Gaiman à l’un de ses personnages ; et encore une fois, le grand scénariste anglais nous désarçonne par son audace, la cruauté dont il est capable pour dénoncer l’innommable ; et « Sandman » apparaît encore plus comme une œuvre adulte et foncièrement intelligente : non, les écrivains, les artistes, ne sont pas forcément des gens bien, qu’on se le dise… Richard Madoc, l’homme qui viole sa muse, est un salaud immonde. Dans un tout autre registre, « Un rêve de mille chats » nous explique pourquoi les chats ont des petits spasmes, quand ils dorment. J’ai eu la chance de parler avec Neil Gaiman de ce très beau récit, pour moi l’un des plus fameux de la série, lui disant que depuis que je l’avais lu je ne pouvais plus regarder un chat dormir sans penser à cette histoire, et que donc sa fiction sur le rêve avait eu des répercussions sur mon réel, preuve de la force de cette œuvre ; l’homme a eu l’air d’apprécier l’effet produit sur moi… Dans « Le Songe d’une nuit d’été », Gaiman fait se rencontrer Shakespeare, les acteurs qui jouent dans la pièce éponyme, et les « vraies » créatures que l’on y rencontre, assistant à une représentation de cette pièce en pleine campagne anglaise ; une idée simple mais géniale, superbement accomplie. Enfin, « Façade » revisite un personnage DC, L’Élémentale, de manière intime et frontale, cassant la carapace de la super-héroïne pour l’aborder dans sa plus pleine humanité, et exprimer le drame qu’elle vit. Gaiman n’est jamais là où on l’attend, et ce récit super-héroïque qui ne l’est pas s’avère poignant, bouleversant…
« La Saison des brumes » n’est pas moins digne d’intérêt, loin de là, avec une histoire originale qui nous permet de connaître un peu plus en profondeur la personnalité de Sandman. Nous y faisons aussi connaissance avec Lucifer, l’un des seconds rôles de la série qui aura généré un spin-of, l’un des plus longs, je crois. Sandman a récemment récupéré ses attributs de maître des rêves, et il retourne en enfer afin de retrouver une femme qui a été jetée dans ce lieu infernal pour avoir osé l’aimer, lui un Éternel… Souhaitant l’extirper de cette damnation éternelle, Sandman compte s’adresser à Lucifer, mais ce dernier lui apprend qu’il a démissionné de son poste et lui remet la clé des enfers. Mais Sandman peut-il réellement remplacer Lucifer, le veut-il, en est-il capable ? La réponse est bien évidemment non, et il décide alors de trouver un « repreneur » ; mais qui sera assez digne pour incarner ce rôle primordial ? Avec ce long récit, Gaiman nous montre mieux qui est Sandman, ses facettes cachées, certains pans de sa personnalité qui en font un personnage bien plus complexe qu’il n’y paraît, pas que bon et bienveillant, faisant parfois preuve de cruauté ou faisant des erreurs. Dans « Sandman », rien n’est acquis ni évident, et c’est bien là l’une des belles qualités de cette série, son créateur sachant ériger un univers cohérent où pourtant tout peut nous échapper à tout moment. Loin, très loin des schémas attendus, Gaiman dresse un panthéon et une fresque qui semblent vivre d’eux-mêmes, avec leurs joies et leurs accidents, hors de toute logique humaine, comme si le scénariste parlait avec les êtres qui respirent au-delà du voile de notre réalité.
Bien sûr, ce volume contient toutes les magnifiques couvertures de Dave McKean, et bénéficie d’un long dossier de fin contenant des entretiens entre Neil Gaiman et Hy Bender, l’auteur du « Sandman Companion », ainsi que de nombreux encarts de textes permettant de mieux appréhender les épisodes de l’album. Vous pourrez aussi lire l’intégralité des scripts de deux épisodes : #19 (« Le Songe d’une nuit d’été ») et #23 (chapitre 2 de « La Saison des brumes »), accompagnés des planches crayonnés des dessinateurs. Car l’équipe plurielle de « Sandman » est bien là, avec dans ce volume la présence de Kelley Jones, Malcolm Jones III, Charles Vess, Colleen Doran, Mike Dringenberg, P. Craig Russell, Matt Wagner, George Pratt et Dick Giordano : un casting assez prestigieux… Bref, encore une fois, ne passez pas à côté de « Sandman », surtout dans cette édition qui lui rend pleinement hommage…
Cecil McKINLEY
« Sandman » T2 par Neil Gaiman & co
Éditions Urban Comics (35,00€) – ISBN : 978-2-3657-7272-3
Bonjour Cecil
Je n’ai jamais fait le pas vers Sandman..
Etant donné le très bon rapport qualité / prix de Urban Comics (suivez mon regard…) j’ai d’ailleurs acheté « la mort de Superman » splendide pavé de 600 pages pour 35 euros dernièrement, je me laisserai bien séduire par cette édition….
Bien à vous
Bonjour Renaud,
Tout dépend bien sûr de vos goûts en matière de comics… mais si vous aimez les œuvres qui ont de la substance et le fantastique, alors vous pourriez faire une belle rencontre… Vu le parcours éditorial calamiteux de ce comic en France, cette version Absolute intégrale est enfin une opportunité de découvrir ce chef-d’œuvre dans de bonnes conditions…
Alors bonne lecture!
Bien à vous,
Cecil McKinley
C’est la BD qui m’a le plus marqué dans ma vie.
Je l’aime tellement que pour la redécouvrir dans une édition complète, chronologique, et avec les commentaires des auteurs, je rachète cette parution.
Le contenu est tellement riche que je prend plaisir à la relire pour en saisir un peu plus toute la subtilité à chaque fois…
Il faut prendre son temps, bien choisir son moment, car elle n’est pas d’un abord facile.
Mais quelle récompense une fois les premiers obstacles franchis !
Bonjour Docfil,
Merci de votre témoignage amoureux envers cette œuvre. Comme je le disais dans le commentaire précédent, cette édition Absolute intégrale me semble effectivement être celle qu’il faut avoir, ne serait-ce que pour les copieux dossiers de fin d’ouvrage où sont proposées des interviews de Gaiman qui revient sur chaque volume et un certain nombre de documents très intéressants qui combleront les fans, même de longue date…
Donc bravo pour votre passion et votre rachat de Sandman, vous ne le regretterez pas, bien sûr…
Bien à vous,
Cecil McKinley