« Les Aventures de Gérard Crétin » est une bande dessinée en une page proposée dans le mensuel Mikado des éditions jeunesse Milan, entre 1989 et 1994, et c’est la première série de gags que l’immense Florence Cestac (1) a créée spécifiquement pour la presse ! Son antihéros a tendance à être vantard et gaffeur : il croit souvent savoir tout faire mieux que les autres et être le meilleur en tout… Mais il est quand même attachant, car terriblement naïf ! Ainsi, il enchaîne les situations hilarantes et embarrassantes, incarnant, avec une tendre absurdité, certains travers humains. Le trait de la reine du gros nez en BD y est déjà unique, même si elle juge avoir fait quelques progrès depuis. Mais comme le dit elle-même : « un petit coup de nostalgie, ça ne peut pas faire de mal ! »
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Il y avait eu « Paroles de Poilus » (deux volumes), « Paroles de Verdun », « Paroles d’étoiles », « Paroles de la Guerre d’Algérie », et voilà « Paroles d’école » ! Une autre guerre ? Sûrement pas, mais c’est encore une opération lancée par Jean-Pierre Guéno à Radio France dont il avait tiré « Chère école : mémoire de maîtres, paroles d’élèves » (réédité en Librio en 2012). Comme on va le voir, la présente adaptation en bande dessinée est aussi affaire de voyage…
On pourrait déjà dire que la meilleure – ou la pire – façon de voyager, c’est à la nostalgie qu’on la doit ! Et que pour réécrire, l’histoire, son histoire, ses histoires, on peut lui tirer le chapeau, à la nostalgie ! Grâce à elle, on idéalise, on édulcore, on retient le bon grain de l’ivraie et pour les souvenirs scolaires, c’est encore plus vrai. C’est pourquoi les lettres reçues sont souvent élogieuses, flattent les bons enseignants, les bonnes sœurs ou les femmes de ménages attentives et encourageantes, bref se remémorent ceux qui nous ont aidés, fait avancer, fait progresser et donner le goût d’apprendre. Comme ce Monsieur Lasserre quidictait Prévert et « ses îles parfumées, par-fu-mé-eu-esse » et donnait à la classe un gout d’école buissonnière, manière aussi de voyager comme la rêverie ou la paresse.
Mais il y a aussi de mauvais moments passés sur les bancs de l’école et les institutrices humiliantes qui n’aimaient pas les pauvres, les élèves qui chantaient faux, les fils de flics ou ceux qui avaient des poux. La classe terrifiante est finalement très présente dans cet ouvrage où les souvenirs occasionnent de terribles voyages retours (sur soi) où, loin des gentils, revivent des monstres, des tortionnaires et des violeurs… des pages qui font frémir et qui prouvent que l’école fut pour certains un sacré voyage dont ils sont revenus bousculés, chamboulés, mal armés ou désarmés.
Enfin, dans ce volume, le voyage est évidemment graphique : la bonne douzaine de textes mis en BD donne l’occasion à des auteurs à la palette très variée de s’exprimer : les très belles « photographies » de Cabanes, les dessins plus lisses de Savoïa qui tranchent avec ceux de Phicil ou de Maël, les caricatures de Krassinsky ou le graphisme coloré et cotonneux de Nathalie Ferlut, jusqu’aux planches de Bruno Marchand où le voyage est bien réel (il met en scène un gamin qui quitte l’Algérie lors de l’indépendance), tout cela est vraiment de très belle facture. Si bien qu’on finit par se demander : nous, qu’aurions-nous retenu, raconté, ravivé, de nos années d’école et quel type de dessin choisirait-on pour le mettre en images ?
Alors, bon voyage…
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Paroles d’école : mémoires d’élèves, souvenirs de maîtres » Collectif
Éditions Soleil (19,99 €) – ISBN : 978-2-302-03627-7