Franck Bouysse, écrivain corrézien renommé, est un amateur érudit du 9e art depuis longtemps (1). Après avoir commis, avec son talent narratif habituel, le scénario de la BD « Été brûlant à Saint-Allaire » (un scénario original pour Daniel Casanave) (2) et adapté, avec son complice Fabrice Colin, l’un de ses autres drames ruraux (« Glaise ») dessiné par Loïc Godard, il remet aujourd’hui le couvert en réinterprétant lui-même son « Grossir le ciel » pour la bande dessinée. Ce roman sombre — dur et âpre, mais intense et poignant —, récompensé par le prix Polar Michel Lebrun en 2015 et le prix SNCF du polar en 2017, est mis subtilement et sobrement en images par le prometteur Borris : le dessinateur de la BD « Charogne », quant à elle lauréate du prix Quai du polar en 2019.
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Bel hommage et bonne idée que cette mise en cases de la vie « historique » de l’auteur italien Hugo Pratt : son compatriote Paolo Cossi (déjà remarqué avec l’émouvant « Medz Yeghern, le grand mal », chez Dargaud) s’étant basé sur des documents d’époque (photos, revues, lettres?) et sur les ouvrages où le maître vénitien avait déjà livré nombre d’anecdotes, entre réalité et fantasmes?, pour en faire un véritable roman d’aventures.
Á la lecture de ce premier tome de deux cents pages (il y en aura trois autres à paraître d’ici la fin 2011), il semble que l’exercice, pourtant plutôt casse-gueule, soit réussi !
Tout commence en Éthiopie (pays alors bouleversé par la guerre coloniale), dans la région de Gaia Zeret-Lalomedir, le 30 mars 1939 : nous allons découvrir un jeune Hugo Pratt préférant conter fleurette aux belles indigènes plutôt que d’assister aux cours dispensés par les militaires italiens. Et quand son père apprend que son fils fait l’école buissonnière « pour filer avec les sauvages », il lui interdit de fréquenter ses amies autochtones. Sans négliger de ridiculiser, une dernière fois, l’instructeur fasciste qui l’a dénoncé, il part, seul, dans le dangereux désert avoisinant : il ne devra la vie qu’à un groupe de chameliers impliqués dans la contrebande de qat… Voilà l’une des nombreuses anecdotes que l’on trouve dans ce premier tome qui s’achève avec son départ d’Afrique pour Venise et ses premiers pas dans le 9e art !
Très bien documenté, mais aussi légèrement romancé de façon onirique (un peu à la manière du « Gainsbourg, vie héroïque » de Joann Sfar), ce biopic en bandes dessinées a le grand mérite de mettre en avant les sources d’inspirations qui ont permis de créer « Corto Maltese » et « Les Scorpions du désert », sans que Paolo Cossi ne cherche à imiter le graphisme de ce grand fabulateur de génie qu’était Hugo Pratt !
Gilles RATIER
? Hugo Pratt, un gentilhomme de fortune tome 1 : Visions africaines ? par Paolo Cossi
Éditions Vertige Graphic (22 Euros)