Quel plaisir, après des années et des années de chroniques sur les nouvelles parutions concernant le 9e art, de continuer à découvrir des auteurs prometteurs qui, d’emblée, semblent vraiment maîtriser les codes narratifs et graphiques de la bande dessinée ! C’est d’autant plus méritoire quand il s’agit d’un premier album en ce domaine : ce qui est le cas de Pierre Alexandrine avec son « Amourante ». Ce dense ouvrage de 230 pages, édité chez Glénat, nous propose un voyage aussi palpitant qu’amusant à travers les époques et les lieux, en remettant en question notre obsession tout à fait compréhensible de plaire perpétuellement et de ne pas mourir…
Lire la suite...« La Position du tireur couché »

N’en déplaise aux admirateurs de sa retranscription fidèle de la guerre des tranchées, Tardi n’est jamais aussi bon que quand il dessine Paris !
Ça tombe bien car, pour l’adaptation de ce qui est sans doute le meilleur livre de Jean-Patrick Manchette, son dernier également puisque « La Princesse du sang » (récemment mis en images par Max Cabanes) reste une œuvre inachevée, il nous promène dans divers arrondissements de la capitale, utilisant à merveille des décors datés fin des années soixante-dix !
Martin Terrier est un tueur à gages qui a décidé de raccrocher et de retrouver son amour de jeunesse ; mais cet ancien mercenaire n’échappera pas aux griffes de ces employeurs et va devenir ce qu’il cherchait à fuir depuis l’enfance : l’ombre de son père tant haï, bref, la copie d’un médiocre…
Dans la version définitive de son ultime polar, en 1982, Manchette était donc parti d’un sujet plutôt banal, mais y avait installé un style littéraire provoquant qui bousculait, alors, les habitudes classiques de la narration, tout en réussissant à imposer un personnage complexe : un perdant fatalement seul. Récit extrêmement violent et pessimiste, « La Position du tireur couché » va même secouer toute une nouvelle génération de lecteurs de romans policiers habituée à une écriture fluide amenant, irrémédiablement, une fin implacable. Et Tardi, tout en respectant à la lettre le texte original, en rajoute sur le plan de l’oppression avec des images qui mélangent habilement froideur et lyrisme : son trait nerveux, et de plus en plus épuré, semblant être complètement au service de ce récit ultra-rapide !
D’ailleurs, si Tardi est très fort pour illuminer les ambiances parisiennes, il est aussi particulièrement à l’aise quand il adapte des romans : que ça soit ceux de Léo Malet, de Jean Vautrin, de Daniel Pennac, de Didier Daeninckx, de Pierre Siniac, de Géo-Charles Véran (le trop peu connu et pourtant excellent « Jeux pour mourir ») ou de Jean-Patrick Manchette, dont il avait déjà illustré deux scénarios (« Griffu » et « Fatale » qui ne vit malheureusement pas le jour) et réalisé la mise en cases du « Petit bleu de la côte ouest », en attendant celle de « Nada » qu’il est en train de dessiner.
Alors, évidemment, avec tous ces atouts en main, « La Position du tireur couché » ne nous laisse aucun répit et s’impose, d’emblée, comme l’un des meilleurs polars en bande dessinée de ces dernières années !
Gilles RATIER
« La Position du tireur couché » par Jacques Tardi, d’après Jean-Patrick Manchette
Éditions Futuropolis (19 Euros)