Avec « Le Tombeau des chasseurs », le talentueux Victor Lepointe évoque la tragédie collective d’une bataille vosgienne en 1915 et, plus encore — par le regard de l’un d’eux, Victor Granet —, scrute l’intimité des sentiments de ces chasseurs alpins sacrifiés. Plongée dans la si mal nommée Der des ders…
Lire la suite...« Le Sang des lâches T1 : La Vengeance de Yama » par Jean-Yves Delitte
« Avril 1641, quelque part dans le sud de l’île de Java », ainsi commence la nouvelle série de Jean-Yves Delitte, dans ce contexte commercial et colonial où le monopole de la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales pose problème, notamment aux Anglais qui voudraient bien aussi leur part de pudding…
L’action débute réellement 20 ans plus tard, lorsquele sergent Andover et Arthur J. Joyce Byron Pike, major de la police du roi en poste à York, débutent une enquête difficile : identifier les trois victimes dont on vient de retrouver les restes démembrés, et arrêter leurs assassins. Au même moment, son fils William découvre, dans le grenier du manoir familial, le journal vieux de vingt ans d’un certain James Eddington, qui relate son voyage aux Indes néerlandaises, dans l’île de Java-Batavia. Intrigué, le major découvre, à la lecture du document, qu’Eddington menait lui aussi une enquête mandatée par la couronne britannique, afin d’élucider les circonstances de la disparition de Sir Francis Edgard Mac Laury, un proche du souverain anglais mystérieusement massacré avec son équipage dans le sud de Java. Dès lors, à deux décennies de distance et aux antipodes l’une de l’autre, les deux enquêtes sont relatées en parallèle, lestées d’une très étrange coïncidence : dans l’un et l’autre cas apparaît à l’arrière-plan la VOC, la très puissante Compagnie Néerlandaise des Indes orientales, les Hollandais ayant créé Batavia (en hommage à la tribu germanique des Bataves, ancêtres des Néerlandais) et fortifié les ports.…
Pour ce polar historico-exotique, les décors finement dessinés par Delitte alternent donc les vues anglaises et les paysages indonésiens où se meut finalement la même population de militaires et de commerçants étrangers. Delitte aime aussi déployer en double-planches des vues panoramiques terrestres ou maritimes qui constituent des pauses visuelles qu’il faut savourer avec délectation. En bon artisan, il aime le travail bien fait et le spectacle haut en couleurs procurant encore des découvertes à la relecture. Amateur de vieilles pierres ou de belles voilures, le lecteur a de quoi s’occuper les yeux, ce qui est bien dans l’esprit de l’auteur qui considère qu’il doit en avoir pour son argent, au fil d’une intrigue qui ne fait que commencer.
Même si Delitte indique qu’il ne fait pas de la bande dessinée historique, ou des thèses sur l’Histoire mais qu’il s’inspire de l’Histoire pour raconter des histoires, le fait est qu’avec cette nouvelle série il entend être plus près de la réalité que dans « Black Crow » où il use de sa liberté d’inventer pour le plaisir de raconter et de flirter du côté de « Barbe-Rouge » (cf. l’interview de Casemate de mai, – où il règle ses compte avec les gribouilleurs et les adeptes du trait spontané et commente ses planches -). « Black Crow », parlons-en justement, puisque sort en même temps que « Le Sang des lâches » le cinquième tome de la série. Dans « La Conspiration de Satan », tome précédent, obligé de collaborer avec des mercenaires, le vent tournait pour le héros et son équipage lorsqu’ils sauvèrent le navire du prince Abdallah el-Kamil d’une attaque barbaresque. Pour les remercier, ce dernier les avait invités à Port-Saïd, où on les retrouve au début de cet épisode, en 1778. Pas pour très longtemps, le vent du large emporte bientôt l’équipage vers les Canaries, puis le Brésil, l’épisode constituant une nécessaire transition avant un séjour amazonien. Le personnage de Black Crow, qui a fait sa première apparition dans l’album consacré par l’auteur à L’Hermione, en 2009, est un donneur de leçons et aventurier solitaire. Du coup, comme le lui dit un de ses coéquipiers : « Que d’aventures !… On peut dire que tu as l’art de te faire des ennemis ! Les Anglais, les Hollandais, les Français… Et comme les Espagnols sont cul et chemise avec les Français, il ne reste pas beaucoup d’eaux où tu peux naviguer en toute quiétude ! ».
Alors bons voyages !
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook) : http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Le Sang des lâches T1 : La Vengeance de Yama » par Jean-Yves Delitte
Éditions Casterman (13, 50 €) – ISBN : 978-2-203-08149-9
« Black Crow T5 : Vengeance » par Jean-Yves Delitte
Éditions Glénat (13, 90 €) – ISBN : 978-2-7234-9670-4