Avec « Le Tombeau des chasseurs », le talentueux Victor Lepointe évoque la tragédie collective d’une bataille vosgienne en 1915 et, plus encore — par le regard de l’un d’eux, Victor Granet —, scrute l’intimité des sentiments de ces chasseurs alpins sacrifiés. Plongée dans la si mal nommée Der des ders…
Lire la suite...La naissance d’Urban China
Urban China, tel est le nom de la nouvelle branche asiatique du groupe Média-Participations. Comme son patronyme l’indique, il est ici question de bande dessinée venue de Chine : Les manhuas. À ne pas confondre avec les mangas qui viennent exclusivement du Japon. Pour son lancement, le 10 avril 2015, ce sont trois histoires illustrées ainsi qu’une encyclopédie qui ont été dévoilés. Mais l’ambition d’Urban China ne s’arrête pas à la traduction de titre en provenance de l’Empire du Milieu. Il est également question, dans un second temps, de la mise en chantier de créations originales ayant une thématique chinoise. En attendant, que donnent ces premières publications ?
Honneur aux femmes comme il est coutume de dire. Honneur surtout à Xia Da, l’auteure phare du groupe chinois Comicfans avec qui Dargaud a signé son accord de partenariat pour créer Urban China. Comicfans n’est pas inconnu en France, ce groupe édite également l’auteur Benjamin naguère publié chez le défunt éditeur Xiao Pan. Cette jeune dessinatrice, qui est aujourd’hui mise en avant dans l’hexagone, est déjà une star en Chine, mais également au Japon. Certaines de ses œuvres ont déjà envahi les pages de la revue Ultra Jump de l’éditeur Shueisha. Le style de Xi Da est très proche de ce qui se fait en manga, c’est indéniable. Elle a une finesse de trait extrêmement agréable. Ses personnages semblent se mouvoir avec grâce sur la page malgré les cadres qui les entourent. À réserver en priorité aux amateurs de fantastique et de combats élégants.
Deux séries de cette dessinatrice sont donc au catalogue de Urban China pour son lancement.
Yu est toute jeune lorsque sa famille décide d’emménager à la campagne. En pleine nature, elle va découvrir tout un monde enchanteur qu’elle ne soupçonnait pas. Elle va se faire de nouveaux amis, aller à l’école, apprendre, grandir et surtout contempler la beauté de l’environnement qui l’entoure. Elle va également être sujette à de nombreux cauchemars sous forme d’images qui resurgissent du passé, ce qui la trouble énormément.
« La Princesse vagabonde » T1 par Xia Da
L’action commence en 626 de notre ère. Afin de régner en maître absolu, Li Shimin, le second fils de l’empereur Tang Gaozu fit assassiner ses deux frères et leurs familles au complet. Seule la princesse Yongning arriva à se soustraire aux tueurs lancés à ses trousses. Prétendue morte, elle n’aura qu’une envie, se venger pour reconquérir le trône qui lui était dû. Sa maîtrise des arts martiaux a fait d’elle une adversaire redoutable. Mais comment s’y prendre face à une armée alors qu’elles se retrouvent sans ressource et obligées de vagabonder ?
Dans un tout autre genre, voici une oeuvre réaliste sur la guerre.
« La Bataille de Shanghai 1937 » par Bo Lu
Nous sommes en août 1937, la tension entre la Chine et le Japon est à son paroxysme. Durant trois longs mois, Shanghai va être le théâtre d’affrontement entre les deux armées. 300 000 soldats japonais d’un côté, 700 000 soldats chinois de l’autre. Cette courte période qui fera énormément de victimes est ici décrite dans ses moindres détails. C’est l’histoire au jour le jour de ces hommes prêts à tout pour un idéal bien désuet.
Le trait est rude, l’action est violente, la réalité est montrée de manière crue, sans recul. Bo Lu n’a pas cherché à édulcorer son récit. Au travers de son dessin, il exprime son ressenti sans ambiguïté. C’est une page d’histoire qui nous semble bien anecdotique vu de l’Hexagone. Ce recueil exprime parfaitement le ressenti des Chinois face à l’impérialisme japonais. Il n’y a aucun message revanchard, juste une expression des faits tels qu’ils sont aujourd’hui enseignés dans les manuels scolaires.
Il est amusant de noter que c’est encore un titre dénonçant des exactions japonaises qui sert à lancer cette collection comme cela fut le cas avec Akata l’année passée avec « Seediq Bale ».
Et enfin, en plus, de ces trois titres illustrés, Urban China fait également dans l’enseignement avec
« Hong Kong Comics : une histoire du manhua » par Wendy Siuyi Wong
Cette encyclopédie de la production honkongaise de bande dessinée, depuis plus d’une centaine d’années, plongera le lecteur dans les méandres méconnus de cette production asiatique ; laquelle est, comme on le découvre ici, bien différente des mangas. L’ouvrage regroupe par thème les quatre principaux courants du manhua : le dessin satirique et politique, l’humour, l’action et les œuvres tournées vers la jeunesse. Avant cela, une courte introduction replace l’apparition de la bande dessinée en Asie dans son contexte. On découvre comment elle a accompagné le pays lors des profonds changements sociaux du siècle passé. Le texte est extrêmement informatif et agréable à lire. Il est néanmoins dommage de n’avoir qu’un gaufrier de couvertures durant plus d’une centaine de pages. Aucun dessin de l’intérieur de ces manhuas ne nous permet de bien comprendre la spécificité de la bande dessinée hongkongaise. Seuls les courts textes en marge de ces illustrations décrivant chaque titre présenté nous donnent un complément d’information indispensable. Il aurait été agréable d’avoir, au moins pour chaque décennie, la mise en exergue d’une ou deux séries phares. Il est ici particulièrement difficile pour les néophytes de se repérer. La seule manière de bien appréhender ce livre est presque de le lire chronologiquement. Mais le revers de la médaille, lorsque l’on se veut exhaustif, c’est une succession de faits et une accumulation de termes chinois qui devient vite indigeste.
Étant le seul ouvrage de référence traduit en français sur le manhua, il est de ce fait indispensable à tout amateur du genre un peu curieux. La présentation est soignée avec une couverture cartonnée et 181 pages toutes en couleurs. Ce panorama est richement illustré et montre la diversité de la production de Hong Kong qui est aujourd’hui également dominée par les mangas ou leurs ersatz.
En 2015 !
Aprés cette encyclopédie et ces trois premiers manhuas, le planning 2015 s’annonce encore très riche. La suite des titres de la prolifique Xia Da sont évidemment planifiées. Mais sont également prévus. En mai : « Joker Danny », une série fantastique mettant en scène la rencontre entre un orphelin et un célèbre peintre. « Un Lycée de Wuhan » une romance avec son inévitable triangle amoureux. En juin : « Tales of Tarsylia », un recueil de plusieurs contes liés à la fantasy avec son lot de magie, d’amour et de guerres. « Une enfance chinoise » l’autobiographie de deux jeunes filles dans la Chine des années 80.
L’échec de l’éditeur Xiao Pan en 2012 n’a pas empêché la bande dessinée venue de Chine de revenir sur le devant de la scène. Notamment grâce aux éditions Fei et à son catalogue audacieux et éclectique. Espérons que ce nouveau mastodonte saura proposer des titres à même de conquérir le public français, lequel occulte souvent toute production qui ne viendrait pas en ligne directe du Japon.
Gwenaël JACQUET
« Little Yu » T1 par Xia Da
Éditions Urban China (12€) – ISBN : 978-2372590044
« La Princesse vagabonde » T1 par Xia Da
Éditions Urban China (12€) – ISBN : 978-2372590013
« La Bataille de Shanghai 1937 » par Bo Lu
Éditions Urban China (15€) – ISBN : 978-2372590037
« Hong Kong Comics : une histoire du manhua » par Wendy Siuyi Wong
Éditions Urban China (25€) – ISBN : 978-2372590020