Buck Danny, Jerry Tumbler et Sonny Tuckson forment un trio inséparable depuis bientôt 80 ans. Après que la plume de Yann nous a fait découvrir les débuts du jeune Buck Danny, c’est au tour de Frédéric Zumbiehl et Patrice Buendia de nous évoquer les jeunes années de Sonny Tuckson. Une histoire pleine d’émotion, non dénuée d’humour et au délicieux parfum fleurant les années 1950, illustrée par le crayon respectueux de l’Italien Giuseppe De Luca. Nostalgie, quand tu nous tiens !
Lire la suite...James Bond : opération comics ! (première partie)
De « James Bond contre Docteur No » en 1962, jusqu’au prochain « Mourir peut attendre » (le 25e film de la saga, dans une longue série produite par EON, United Artists et Sony, a vu sa date de sortie reportée en novembre 2020), le succès populaire et critique remporté au cinéma par l’agent 007 (incarné par 8 interprètes à l’écran) est devenu plus que légendaire. Cette véritable licence – la plus longue et la plus rentable de tous les temps, avec plus de 7,1 milliards de dollars de recettes rien que pour les films – basée sur les 12 romans et 9 nouvelles initialement rédigées par Ian Fleming entre 1953 et 1965, aura su transmuer son univers en déclinaisons fructueuses : des centaines de jouets, de jeux de rôle, de jeux vidéo, d’ouvrages originaux dont, bien sûr, des comics… Très curieusement, ces derniers sont actuellement quasi-indisponibles en France depuis plusieurs années, à l’inverse de l’actif marché des republications et nouveautés anglo-saxonnes, relancé ces dernières années jusque chez Delcourt ! Rien que pour vos yeux, voici la première partie d’un copieux dossier chronologique (mis en ligne à l’origine fin 2015 et amplement remis à jour aujourd’hui) enfin dédié à ces « James Bond Comics », des années 1950 à nos jours…
15 janvier 1952, en Jamaïque : il est 9 heures du matin à Goldeneye, la paisible villa de vacances où le journaliste et ancien officier du renseignement naval Ian Fleming songe au nom de son nouveau héros. Il s’appellera James Bond (et non James Secretan) car le romancier apprécie ce nom simple, repris à un ami : l’auteur d’un documentaire ornithologique intitulé « Birds of the West Indies ». Pour créer son personnage, Fleming va s’inspirer de divers agents et officiers croisés pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’inspirera également de la vie aventureuse menée par son propre frère, Peter Fleming, lieutenant-colonel et grand voyageur devenu agent du MI-6 dans les années 1930. Le 13 avril 1953 paraît au Royaume-Uni un premier ouvrage, qui sera ultérieurement intitulé en français « Espions, faites vos jeux » (il n’est publié qu’en 1960 dans l’hexagone… après avoir été refusé par Gallimard dans sa collection Série noire), mais demeure amplement plus connu sous le titre « Casino Royale ». Le récit de la lutte de Bond contre Le Chiffre, homme d’affaires affilié à la pègre internationale et travaillant pour le compte du SMERSH (le bureau de contre-espionnage et d’assassinat soviétique) sera adapté en comic strip dans le Daily Express du 7 juillet au 13 décembre 1958. Fleming avait pourtant hésité à accepter cette adaptation, craignant qu’elle réduise graphiquement la qualité de sa propre écriture et amoindrisse l’intérêt des lecteurs pour ses futurs romans. Tout en préservant son droit de regard, Fleming se laisse néanmoins séduire : adapté par Anthony Hern (éditeur littéraire connu pour avoir déjà novelisé Fleming dans le périodique) et dessiné par John McLusky (1923 – 2006), Bond adopte un visage viril et carré, une cicatrice verticale sur la joue droite (absente des films), des yeux bleu-gris, des cheveux noirs et courts, une mèche tombante sur le front. Un physique inspiré à la fois par le personnage fictif de Sexton Blake (un détective créé en 1893 et adapté en comics en 1939) et par les traits du célèbre golfeur Henry Cotton (que Fleming citait en exemple), mais déjà étonnement proche du visage de Sean Connery, à une époque où cet acteur est pourtant encore un total inconnu…
Le style hard-boiled et la noirceur de l’intrigue de « Casino Royale » accrochent dès les premiers strips, augmentant nettement les ventes du journal, tant et si bien que McLusky restera jusqu’en 1966 le seul dessinateur de 007, alors qu’Henry Gammidge (1915-1981) en reprend l’adaptation scénaristique : suivront ainsi – pour un total de 1 603 strips – les mythiques « Vivre et laisser mourir » (15 décembre 1958 – 28 mars 1959), « Moonraker » (30 mars – 8 août 1959), « Les Diamants sont éternels » (10 août 1959 – 30 janvier 1960), « Bons Baisers de Russie » (3 février – 21 mai 1960), « Dr. No » (scénario de Peter O’Donnell ; 23 mai – 1er octobre 1960), « Goldfinger » (3 octobre 1960 – 1er avril 1961), les nouvelles « Risico » (3 avril – 24 juin 1961), « Dangereusement Vôtre » (25 juin – 9 septembre 1961) et « Rien que pour vos yeux » (11 septembre – 9 décembre 1961 ; en français, le titre de ce recueil composé au total de 5 nouvelles fut « Bons Baisers de Paris »), puis « Opération Tonnerre » (11 décembre 1961 – 10 décembre 1962), « Au service secret de Sa Majesté » (29 juin 1964 – 17 mai 1965) et « On ne vit que deux fois » (18 mai 1965 au 8 janvier 1966). Il faut ici saluer le laborieux travail quotidien quasi-ininterrompu de McLusky, dans la mesure où ce dernier avait donc chaque jour, à partir d’un scénario fourni sur une feuille de papier dactylographié, à trouver la documentation (coupures de presse, photos, dessins techniques, etc.), tracer au crayon ses esquisses (en faisant prendre les poses à un ami si nécessaire pour gagner en réalisme), puis perfectionner l’encrage (au stylo et au pinceau) des 3 ou 4 cases requises par un strip s’achevant souvent par un nouveau re-bond-issement (sic). Le lettrage sera effectué entièrement à la main dans un second temps, par un des employés du Daily Express. N’hésitant pas à montrer ses créations au reste de la famille afin d’y traquer des erreurs ou des sources d’incompréhension, retouchant au nécessaire ses dessins avant l’ultime envoi pour publication, McLusky sera ultérieurement salué pour avoir réalisé dans la presse l’une des meilleures séries de strips de tous les temps…
Sans détailler inutilement l’entièreté de ses récits, penchons-nous sur quelques temps forts. Dès la première intrigue, Bond reçoit l’aide précieuse de Félix Leiter, un agent de la CIA que l’on retrouvera côté cinéma sous différents physiques. Dans « Vivre et laisser mourir », Leiter, capturé par le vil Mr Big, imposant criminel afro-américain et homme du SMERSH, échappe de peu à la mort : il perdra un bras et une partie d’une jambe, dévorés par un requin. La scène sera reprise en 1989 lors du prologue du film « Permis de tuer » (John Glen). L’on retrouvera toutefois ultérieurement Leiter, notamment dans l’intrigue américaine de « Goldfinger ». Au fil des missions, James Bond lui-même n’est guère épargné par un Fleming adepte de bondage et de sadomasochisme : 007 est torturé nu dans « Casino Royale », échappe à son tour aux requins dans « Vivre et laisser mourir », manque d’être incinéré par les gaz de combustion du missile balistique nucléaire « Moonraker » et termine « Bons Baisers de Russie » en étant empoisonné par la lame cachée dans la chaussure de Rosa Klebb, colonelle du SMERSH ! À peine remis sur pied, Bond est envoyé enquêter en Jamaïque sur le Dr No : avant d’en finir avec ce dernier, 007 devra lutter contre des chocs électriques, des araignées venimeuses et un calmar géant. Dans « Goldfinger », enfin, il est de nouveau torturé (par l’homme de main coréen Oddjob) et évite de peu d’être coupé en deux par une scie circulaire. Devenir un héros n’est vraiment pas donné à tout le monde…
Avec le recul critique, on pourra noter ou remarquer ce fait surprenant : alors qu’en 1958 (à la suite du Comics Code Authority adopté depuis 1954), une commission sénatoriale purge l’ensemble des comics des principales formes de violences et de sexualité, voici que le Daily Express choisissait donc d’adapter les âpres, cruels et sexuels récits de Fleming ! Immanquablement, il fallut donc aux auteurs une sacrée audace pour relever (durant plusieurs années) le pari proposé à longueurs de strips relativement violents et dont les protagonistes n’étaient ni des tendres ni de sages et transparentes demoiselles.
Poursuivons notre passage en revue avec « Risico », la troisième des cinq nouvelles écrites par Fleming en 1960 au profit du recueil « For Your Eyes Only » (titré « James Bond en danger » puis définitivement « Bons Baisers de Paris » pour les traductions françaises de 1961 et 1965). Dans ce récit plus court (71 strips), où Bond est envoyé en Italie afin d’y démanteler un trafic d’héroïne, le scénariste Henry Gammidge a pu conserver une grande part des descriptions de Fleming : développé sur douze semaines par John McLusky, il permet à ce dernier de montrer une meilleure cohérence et d’améliorer ses scènes d’action, certes plus réalistes que celles du précédent « Goldfinger ». L’esthétique policière de la série – encore très années 1950, dans la lignée des thrillers hitchcockiens – gagnait lentement en modernité. Encore plus court (65 strips), le titre « From a View to a Kill » sera successivement traduit en France par « James Bond en embuscade » puis « Bons Baisers de Paris » avant que le film « Dangereusement Vôtre » (John Glen, 1985) ne reprenne l’intitulé raccourci « A View to a Kill »… sans reprendre l’intrigue ou les personnages du texte de Fleming. Cette première nouvelle décrivait en effet James Bond en train d’enquêter à l’ouest de Paris sur la disparition de documents secrets appartenant au SHAPE (le quartier général des puissances alliées en Europe) et à l’OTAN. Afin de traduire au mieux les actions de Bond pendant cette aventure, Gammidge et McLusky font de nouveau beaucoup songer leur personnage, que le lecteur suivra donc de strip en strip avec de longues bulles de pensées. Lors d’adaptations précédentes, les auteurs employaient parfois le « je », suggérant donc que c’est l’agent 007 qui narrait lui-même ses propres (anciennes) aventures, suivant encore en cela une certaine tradition surannée du roman d’espionnage des années 1940 – 1950. Le 11 septembre 1961 voit débuter la publication de « For Your Eyes Only » (77 strips), deuxième nouvelle du recueil (titrée « Top Secret » en France et dont s’inspirera le film « Rien que pour vos yeux » en 1981) : parti au Canada, James Bond doit rendre service à son patron, M, en se débarrassant du criminel de guerre nazi Von Hammerstein, qui a précédemment fait tuer les Havelock – amis de M – afin d’obtenir leur somptueuse propriété en Jamaïque. L’histoire, relativement sèche et violente, sera l’une des plus âpres jamais publiée dans le Daily Express.
Le 10 février 1962, au beau milieu de la publication d’ « Opération Tonnerre », Fleming se brouille subitement avec Lord Beaverbrook, le propriétaire du Daily Express, car le romancier a tenté de revendre au concurrent The Sunday Times les droits d’une courte nouvelle (« The Living Daylights », publiée à titre posthume en 1966 (titre français : « Bons Baisers de Berlin ») et qui inspirera en 1987 une partie de l’intrigue du film « Tuer n’est pas jouer »). Alors interrompue et laissée inachevée au strip n° 1128, cette « Opération Tonnerre » s’annonçait cependant sous les meilleurs jours : de Paris aux Bahamas, Bond remontait la piste d’un certain Blofeld, chef de la redoutable organisation SPECTRE (dont fait partie le cruel Emilio Largo), qui cherche à détourner des bombardiers de la RAF équipés de bombes nucléaires, afin de faire chanter les gouvernements britannique et américain ! McLusky, qui avait déjà dessiné les strips jusqu’au n° 1122, sera invité à clôturer abruptement sa bande par un panneau final, numéroté 1117, rendant plus que bancales les explications données (« Bond trouve les bombes et le monde est en sécurité »). L’histoire (adaptée de manière spectaculaire au cinéma en 1965 et 1983) sera ultérieurement finalisée grâce au rajout de quelques bandes additionnelles (strips n° 1123 à 1128) lors de sa republication par d’autres périodiques, sans toutefois améliorer le triste sort fait au récit initial (la grande bataille sous-marine, point d’orgue de l’action, y est condensée… en deux strips). Ayant enfin pu régler leurs différents, Fleming et Beaverbrook permettront heureusement – comme nous l’avons indiqué – à la série 007 de reprendre avec « Au service secret de Sa Majesté » le 29 juin 1964… avec une numération des strips redémarrant au n° 1.
Deuxième des trois volets voyant la confrontation directe entre Bond et Blofeld, « Au service secret de Sa Majesté » garde un statut à part pour les fans de la saga. Fleming y transforme grandement la vision du caractère de Bond, notamment en montrant un côté émotionnel qui n’était pas forcement présent dans les histoires précédentes. Durant cette longue syndication de 274 strips (la plus longue de toutes les adaptations pour la presse), 007 tombe en effet amoureux de la belle – mais suicidaire – comtesse Teresa Tracy Di Vincenzo, fille de Marc-Ange Draco, le chef de la mafia corse. Bond doit toutefois retrouver à tous prix le chef du SPECTRE, suspecté d’ourdir une nouvelle menace mondiale. Effectivement caché dans son antre au sommet du Piz Gloria, dans les Alpes suisses, Blofeld envisage rien moins que de détruire l’économie mondiale en propageant une maladie mortelle sur l’ensemble de la planète. Dans le premier tiers de l’intrigue, l’on relira en 2020 ce passage (datant de 1963) d’un autre Å“il : « Il était essentiel d’obtenir le maximum d’informations sur Blofeld, sur ses activités, ses complices, afin de pouvoir organiser méthodiquement son enlèvement. [...] On utiliserait un nouveau nom de code pour l’opération, qui ne serait communiqué qu’à certains officiers supérieurs. Ce nom serait CORONA. » Le laps de temps (deux ans) qui s’est écoulé depuis la fin abrupte d’« Opération Tonnerre » dans le Daily Express impose nécessairement aux auteurs de revoir leur copie : à l’écran, Sean connery incarne désormais 007 et le rythme n’est plus le même. « Goldfinger », troisième opus porté à l’écran par Guy Hamilton, sort en septembre 1964 (février 1965 en France) et connaît un extraordinaire succès en devenant le film le plus rentable de tous les temps, l’Aston Martin DB5 devenant également culte. Graphiquement, McLusky changé le look de Bond pour se rapprocher de Sean Connery, et le style général de la série transite enfin des années cinquante aux années 1960. Développée sur trois cases latérales avec plus de souplesse, des visages affinés et des décors détaillés, la série y gagne en sensation cinématographique, ce d’autant plus que certaines séquences vont durablement marquer les fans : mariage de James Bond et de Tracy, poursuite à skis, assaut des hommes de Draco sur le Piz Gloria ; et surtout l’ultime vengeance de Blofeld, qui mitraille Tracy, ce tragique événement rompant la classique fin heureuse et dictant à l’évidence les actions futures de 007, rendu plus vengeresque que jamais. De manière plus anecdotique, cette version très fidèle à Fleming et mettant en scène un clone graphique de Sean Connery sera à rapprocher de l’intéressante version filmique de 1969 (réalisée par Peter Hunt), où 007 est interprété – pour la première et dernière fois – par l’Australien George Lazenby, Tracy par Diana Rigg et Blofeld par Telly Savalas.
Dans « On ne vit que deux fois » (18 mai 1965 au 8 janvier 1966), James Bond poursuit son impitoyable traque de Blofeld jusqu’au Japon. Diminué par le meurtre de Tracy, il songe à démissionner mais M lui accorde une dernière chance via une nouvelle mission : récupérer auprès des services secrets locaux une machine à décoder russe. Le menu sera cette fois-ci composé de ninjas, d’un jardin rempli de plantes vénéneuses et – bien sûr – des 1001 coups vicieux du chef du SPECTRE. Afin de réussir sa vengeance, 007 se déguise en pêcheur aux traits japonais, un an avant que Sean Connery ne fasse la même chose – en échappant de peu au ridicule…- sur grand écran (film de Lewis Gilbert en juin 1967). En bout d’aventure, Blofeld est enfin éliminé pour de bon (ici dans les boues incandescentes d’un geyser ; il est étranglé dans le texte d’origine) mais 007 est rendu amnésique par une explosion. Le mot Vladivostok, lu sur une coupure de journal, le trouble et le décide à partir en Russie… Adaptée en 200 strips par le duo Henry Gammidge – John McLusky, cette mission reste, à l’instar de presque toutes les précédentes, dénuée du moindre gadget. La dernière case annonce déjà la suite, mais c’est un autre dessinateur qui la compose : son nom est Horak, Yaroslav Horak.
À partir du 10 janvier 1966, une seconde équipe d’auteurs prend la relève : de manière absolument remarquable, le scénariste Jim Lawrence et le dessinateur Yaroslav Horak (né en 1927 et d’origine russo-tchèque, un comble pour dessiner un James Bond anticommuniste !) commencent par magnifier leur adaptation de « L’Homme au pistolet d’or » (209 strips jusqu’au 9 septembre 1966). Un défi réussi dans la mesure où ce roman de Fleming, partiellement inachevé, ne sera publié que huit mois après sa mort, après être passé entre les mains du romancier et ami Kingsley Amis (également auteur en 1965 de « The Book of Bond », sorte de Bible à l’usage de ceux qui voudraient devenir 007). Parfois jugé comme le plus faible de tous des romans de la saga, « L’Homme au pistolet d’or » sera cependant rendu trépidant dès son ouverture pour sa version graphique. Forts de ce succès, Lawrence et Horak enchaîneront d’abord avec la mise en cases et bulles de 6 autres nouvelles canoniques (dont « Octopussy » et « L’Espion qui m’aimait » entre la fin 1966 et la fin 1968) puis la création de 20 histoires originales, sous l’égide des héritiers de Ian Fleming, mort à 56 ans d’une crise cardiaque (sa santé étant minée par ses excès de cigarettes et d’alcools), dans la matinée du 12 août 1964.
Question récurrente pour les amateurs de James Bond : où et comment lire et se procurer les strips de McLusky, reparti après 1966 dessiner diverses bandes réalistes ou humoristiques telles « Secret Agent 13 », « Laurel et Hardy », « Bugs Bunny » et même « La Panthère rose » (il reviendra sur « James Bond » dans les années 1980 ; voir la seconde partie de ce dossier) ? Dans les pays anglo-saxons, outre la diffusion quotidienne des strips, c’est l’éditeur suédois Semic Press qui s’empressera de proposer des ouvrages au Danemark, en Norvège et en Suède de 1965 à 1996, n’hésitant pas à remonter, reformater ou supprimer (en cas de redondances) les cases initiales. Les choses se gâtèrent sérieusement après 1981 et le décès de la veuve de Fleming (Ann) puisque Semic fut autorisé à créer ses propres histoires originales. Tenant sur environ 24 pages, elles commencèrent à dériver vers la science-fiction ou le fantastique, les dessins (allant de passables à réussis…) étant assurés par des artistes espagnols. De manière plus respectueuse, l’éditeur britannique Titan Books débute en juin 1987 une première anthologie en quatre volumes, laquelle tenait nécessairement compte de l’actualité du moment, à savoir la sortie conjointe du film « Tuer n’est pas jouer ». En juillet 1990 parut ainsi le volume 4, contenant notamment « Casino Royale » et « Vivre et laisser mourir ». À partir de 2004, Titan Books se lança dans une réédition de son anthologie, dans un format plus grand et révisé, en intégrant des histoires qui n’avaient pas été présentées dans les ouvrages précédents. 52 histoires (de McLusky et Horak) seront ainsi publiées dans 17 tomes jusqu’en mars 2010, chacun de ces volumes étant introduit par des acteurs de la saga : citons George Lazenby (« Au service secret de Sa Majesté »), Roger Moore (« Casino Royale »), la belle Maud Adams (« Octopussy ») ou le géant Richard Kiel (« The Golden Ghost »). Les strips de McLusky seront réunis dans les volumes 3 à 7 entre août 2004 et août 2005, sans tenir compte de la chronologie interne de la saga. Une troisième anthologie en six volumes (format Omnibus ; 300 pages chacun en moyenne) est lancée entre septembre 2009 et novembre 2014, parfaitement respectueuse cette fois-ci de l’ordre initial de parution. Enfin, entre novembre 2015 et novembre 2017, Titan Books lance une quatrième anthologie (assez faussement intitulée « The Complete Ian Fleming’s James Bond ») constituée de quatre volumes thématiques, au grand format cartonné et à l’italienne, rassemblant chacun entre quatre et six histoires et introduits par des scénaristes reconnus (dont Neal Purvis et Robert Wade, qui ont écrit tous les scénarios des films depuis 1999).
Diffusés en France par l’agence Opera Mundi, les exploits de 007 seront repris par de très nombreux périodiques : de 1974 à 1979, Le Courrier de l’Ouest publie ainsi 1 500 strips couvrant l’intégralité de l’ère Gammidge/McLusky et les débuts de Lawrence/Horak, mais le plus souvent en désordre, sans indications d’auteurs, voire dénués de titres ! Présent – de manière non chronologique – du 17 octobre 1964 (publication d’« Au service secret de Sa Majesté ») jusqu’au 24 avril 1971 (« Colonel Sun » par Lawrence et Horak) dans France-Soir, James Bond sera aussi diffusé régionalement de manière durable, notamment dans Le Maine libre, Le Populaire du Centre et La Meuse. Le Courrier de l’Ouest fait exception en étant le seul quotidien à avoir publié l’intégralité des strips de Gammidge et McLusky entre 1974 et 1979. En parallèle, la revue franco-belge Music Magazine (disparue en 1965) publiera quelques aventures aux strips traduits, en suivant l’ordre chronologique de Fleming et avec des titres parfois alternatifs : « Casino Royale » (n° 3 de mars 1964 au n° 9 de septembre 1964), « Question de vie ou de Mort » (« Vivre et laisser mourir » ; du n° 10 d’octobre 1964 au n° 3 de mars 1965) et « La Fusée Moonraker » (à partir du n° 4 d’avril 1965). Rares sont donc aujourd’hui ceux qui disposent d’une version des strips dessinés par McLusky entièrement lisible en langue française… Avis aux éditeurs intéressés !
Lire et laisser mourir ? Du moins pas avant la suite de ce dossier, qui vous sera proposée dès la semaine prochaine : soit une deuxième partie qui sera cette fois-ci consacrée aux strips mis en scène par Lawrence et Horak afin de mettre en valeur l’agent secret le plus connu de la planète.
Philippe TOMBLAINE
C’est vraiment un excellent début et le genre de dossier français qui manquait à l’univers bondien français. J’aurais appris des choses intéressantes ! Bravo à toi Philippe.
Très intéressant article. J’ai particulièrement savouré l’évocation d’Au service secret de Sa Majesté dont l’intrigue tourne autour d’une maladie (un virus artificiel ?) transmise à l’humanité et dont le nom de code de l’opération est Corona.
Cela vous évoque quelque chose ?