Le premier tome de « L’Ombre des Lumières » sorti l’an passé (1) se terminait par le départ, en ce milieu du XVIIIe siècle, du malfaisant chevalier de Saint-Sauveur pour le Nouveau Monde. En effet, toutes ses intrigues se sont retournées contre lui ! Après avoir séduit et trompé la jeune Eunice de Clairefont éprise de la philosophie des Lumières, menacé de mort par son mari et criblé de dettes, Saint-Sauveur a été obligé de s’exiler. En débarquant à Québec, il ne désespère cependant pas de retrouver sa place à Versailles, d’autant plus qu’un de ses peu fréquentables amis lui a proposé d’effacer toutes ces dettes s’il accepte de réaliser une mission vengeresse qui va lui permettre de déployer ses funestes talents…
Lire la suite...Philippe Mellot : un premier expert pour la BD à la cour d’appel de Paris
L’importance prise par la bande dessinée au sein du marché de l’art vient de franchir une nouvelle étape avec l’inscription de Philippe Mellot – l’un des auteurs du « BDM » – sur la liste des experts auprès de la Cour d’appel de Paris : avec, pour spécialités, les planches originales de bande dessinée et les livres anciens et modernes. Une première ! Cet événement s’inscrit dans la logique très instructive de l’article de Michel Coste, publié récemment sur le site de Bdzoom.com (1), où il constatait que la bande dessinée était devenue depuis quelques années l’un des secteurs les plus actifs des ventes aux enchères en France et en Belgique. Interview.
Laurent Turpin : Tu as été l’un des premiers à t’intéresser aux originaux de bande dessinée ?
Philippe Mellot : C’est sans doute vrai. Ma passion a débuté tôt, car je devais avoir 15 ans lorsque j’ai acheté ma première planche originale. Trois ans plus tard, en 1979, avec Michel Béra, nous avons monté la première vente aux enchères de bande dessinée à l’hôtel Drouot puis, en mars de l’année suivante, a suivi la première exposition d’originaux de BD dans une galerie parisienne du Marais. Nous présentions des dessins et des planches d’Hergé, Druillet, Moebius, Tardi, Bilal et de nombreux autres artistes. Je me souviens d’une double planche originale du « Sceptre d’Ottokar » que nous proposions à 20 000 francs (3 000 euros aujourd’hui en traduction littérale) et qui n’a pas été vendue… Pour mémoire, rappelons qu’une double planche équivalente ou presque vient d’être vendue chez Sotheby’s à 1 560 000 euros frais inclus ! Après cette exposition, qui ne fut donc pas un grand succès, j’ai ouvert avec quelques amis une galerie permanente rue de Tournon et qui a fermé, dans mes souvenirs, après un an ou deux d’exploitation. Dans le « BDM 1983-1984 » (paru fin 1982), nous avons ensuite tenté de créer un chapitre permanent consacré aux originaux, mais c’était décidément trop tôt : aussi avons-nous renoncé à la prolonger dès l’édition suivante. À cette époque, les collectionneurs se focalisaient avant tout sur la BD ancienne et les amateurs d’originaux étaient encore peu nombreux…
LT : À partir de quelle époque le marché se transforme-t-il ?
PM : Druillet a fait l’objet d’une vente à l’Hôtel Drouot, dès 1984, sous le marteau de Pierre Cornette de Saint-Cyr, il s’agissait de la première vente publique au monde consacrée à un auteur de bande dessinée. Il faut toutefois patienter jusqu’à la première moitié des années 1990 pour voir le phénomène se généraliser, lorsque plusieurs maisons de ventes aux enchères ont lancé de grandes ventes thématiques. Le marché des albums continuait toujours de progresser quand des collectionneurs, de plus en plus nombreux, ont commencé à se passionner pour les dessins originaux. Les prix étaient encore très raisonnables à l’exception, déjà, des œuvres d’Hergé qui atteignaient déjà des cotes importantes. Elles n’ont d’ailleurs jamais cessé de croître depuis !
LT : Comment en es-tu arrivé à endosser ce rôle d’expert officiel ?
PM : Dans les années 1990, je partageais mon temps entre l’écriture, le monde du livre ancien et celui de la BD dans laquelle j’étais toujours très actif. Les ventes du « BDM » continuaient de progresser – dépassant les 20 000 exemplaires certaines années –, mais je n’ai finalement décidé d’officialiser mon rôle d’expert que vers la fin des années 2000. Je travaille alors avec différents commissaires-priseurs parisiens pour d’importantes ventes « Jules Verne », de « Livres d’enfants » et ensuite d’Hergé. En 2010, j’ai été nommé expert au Conseil des ventes volontaires, un organisme officiel lié à l’Hôtel Drouot, puis j’ai posé ma candidature début 2015 auprès de la Cour d’appel de Paris dans la branche Arts, Culture, Communication et Médias, Sport, sous les rubriques « Gravures et Arts graphiques » pour les dessins originaux de bande dessinée et « Livres anciens et modernes » pour les livres illustrés XIXe et XXe et la BD ancienne.
LT : Quelles sont les qualités requises pour briguer le statut d’expert en objets d’art et de collection près la Cour d’appel de Paris ?
PM : Il faut bien sûr pouvoir faire la preuve de ses compétences, d’une longue expérience dans chacune de ses spécialités, et présenter, je reprends les termes du dossier de candidature : « des garanties de moralité, d’impartialité, d’indépendance et de disponibilité. » Il est important d’avoir écrit un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur les thèmes concernés – sur le seul sujet de la bande dessinée, j’ai été rédacteur en chef de Charlie mensuel et de Pilote, l’un des fondateurs (avec Claude Moliterni et Laurent Turpin) de Bdzoom.com et l’auteur ou le coauteur d’une dizaine de livres et encyclopédies, cela sans compter les 20 éditions du « BDM » et les quelque 2 400 pages de commentaires historiques qui accompagnent les 44 volumes des « Archives Tintin » –, mais aussi de disposer d’une grande pratique en matière de librairie ancienne et d’avoir été expert en ventes publiques. Les spécialités connexes sont également non négligeables. Pour ma part, j’ai écrit une quinzaine d’ouvrages sur l’histoire de Paris et plusieurs autres sur le roman et l’illustration populaire, sur l’histoire du livre d’enfant, sur Jules Verne… J’ai prêté serment lors d’une audience solennelle tenue en la Première Chambre de la Cour d’appel au Palais de justice de Paris le 8 décembre dernier. Ce furent des instants forts et mémorables, car j’ai conscience qu’il s’agit d’un engagement très sérieux et d’une lourde responsabilité !
LT : En quoi consiste cette responsabilité ?
PM : Il faut d’abord que j’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une profession. J’ai avant tout accepté de consacrer une partie de mon temps au service de la justice et de lui apporter mon concours, mes connaissances techniques et mon expérience professionnelle en exécutant telle mission qui peut m’être confiée par une juridiction. Ainsi, les juges peuvent me désigner pour procéder à des constatations, leur fournir une consultation ou réaliser une expertise. Je dois ensuite fournir un rapport.
LT : Tu peux également réaliser des expertises privées ?
PM : Bien sûr, mais je ne peux en aucun cas travailler directement pour une compagnie d’assurance : on ne saurait être juge et partie ! Depuis quelques années, les collectionneurs me sollicitent fréquemment, rendus inquiets par les risques de cambriolage, d’incendie ou de dégâts des eaux. Vu les prix atteints par certains albums et surtout par les planches originales, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir assurer leur collection à valeur de remplacement. Si je pense que collectionner la bande dessinée est avant tout une affaire de passion, je constate également que depuis une quinzaine d’années, avec l’explosion des prix lors des ventes aux enchères, des amateurs de plus en plus nombreux y voient aussi une valeur de placement. Ils n’ont sans doute pas tort, car jouir de la vue d’une belle planche d’Hergé, de Pratt ou de Loisel dans son salon est à mon sens autrement plus flatteur pour l’esprit qu’un portefeuille d’actions. Surtout par les temps qui courent…
(1) Contribution à l’étude du 9e art dans les ventes aux enchères en Europe, en 2015
Bonjour Laurent,
Philippe est le premier a m’avoir acheté un dessin pour Pilote & Charlie. Il m’avait proposé un prix. J’ai fait la tête et j’ai demandé le double. On a discuté, il n’a pas accepté de mon donner le double mais la moitié du double. Il était content que j’ose négocier le prix de mon premier dessin et souhaitait me rémunérer à ma juste valeur. Ensuite, comme je ne savais pas faire une facture, il a fermé la porte de son bureau et a pris son temps pour tout m’expliquer, jusqu’à ce qu’était l’AGESSA. Il a pris son temps avec un débutant alors qu’il était débordé de travail avec son équipe et son mensuel.
J’ai le souvenir d’un rédacteur en chef et un amateur de livres précis et rigoureux.
Qu’il devienne, aujourd’hui, le premier expert pour la BD à la Cour d’Appel de Paris, c’est une bonne nouvelle pour tout le monde !
f*
Bonjour
Pourriez vous m’aider à connaître la valeur de la côte d’une bd de germain et nous de 1982 avec le titre : qu’est ce que l’on fait ?
Je vous en remerciant par avance
Il vous suffit de consulter la dernière édition du « BDM » : 12 euros, d’après leur estimation.
Bien cordialement
La rédaction
Au fait, combien d’expertises à la Cour D’Appel depuis cet article?