Prix du meilleur album au festival Quai des bulles de Saint-Malo, cette monumentale fresque d’apprentissage en 280 pages en noir et blanc, où seules les mélodies apportent de la couleur, mérite vraiment votre attention ! C’est une quête initiatique, mise en scène par Édouard Cour (aux dessins) et Jean-Christophe Deveney (au scénario), qui nous plonge dans le Saint-Empire romain germanique du début du XVIIIe siècle. En suivant l’ascension, à la fois magnifique et tragique, de deux talentueux jumeaux orphelins — sur qui plane l’ombre d’un mystérieux compositeur allemand qui signe ses partitions des trois mots « Soli Deo Gloria » —, elle nous entraîne vers une méditation métaphysique sur le sens de la création, nous rappelant le pouvoir qu’a la musique sur les humains !
Lire la suite...« Morveuse » par Rebecca Rosen : de douces couleurs, pour un gravage en profondeur…
1er roman graphique aux couleurs fauves enivrantes d’une nouvelle auteure bruxelloise, « Morveuse » surprend par une maturité que l’on a rarement vu, à part peut-être chez Émile Ferris. Intriguant, séduisant et prometteur, un « comics » alternatif, dans la grande tradition underground !
La morve, c’est celle qui coule constamment du nez rouge de Julia, jeune étudiante qui intègre une école d’art plastique à Bruxelles. Sa mère vient de mourir, et, plutôt pauvre, ne lui « légue » pas grand chose, juste de quoi payer la fin de ses études. Sauf que Julia a redoublé. Aussi, cette année à Bruxelles, bien que remplie de rencontres humaines exaltantes, va s’avérer bien galère…la faute au patrimoine génétique ?
C’est à un vrai parcours artistique engagé auquel nous invite Rebecca Rosen, artiste bruxelloise, responsable d’un atelier de sérigraphie et d’édition : l’Appât, qu’elle tient avec son compagnon Quentin Pilot (Mr Mabuse) depuis 2015. Parcours d’abord au cœur de Bruxelles, où son personnage : Julia, va se lier à une bande de féministes façon Femen, dont les happenings déglingués l’ont exaltée. Ces opérations, très politiques, insèrent une certaine violence dans le récit, violence qui rentre en résonance, et comme un parallèle, à la douleur confuse que ressent Julia vis à vis de sa mère, sorte de fantôme qui la hante. Ensuite avec sa propre culture, tout aussi « extrémiste », dédiée à la xylogravure sur petit format. Julia en use et abuse en effet depuis des années, isolée dans n’importe quelle pièce que l’on veut bien lui allouer, noyant cette dernière sous les copeaux de ses gouges. Une psychose qui déterminera son avenir…
Le résultat de certain de ses travaux, violents, sont publiés, par le truchement de Rebecca, en pleine page et dans un pur noir et blanc, émaillant les chapitres colorés du livre. Ces derniers sont réalisés quant à eux dans des tons fauves, parfois psychédéliques, et ces couleurs particulières, rehaussant un dessin à l’encrage ample, plutôt ligne claire, mais typique d’un certain style alternatif américain, pourront à ce propos rappeler un autre genre d’ovni : le « BodyWorld » de Dash Shaw.
Je ne sais si Rebecca Rosen connait cet auteur, mais il est certain que son talent personnel l’inscrit d’ores et déjà dans la cour des grands outsiders. Ceux que l’on aime d’emblée, et que l’on espère suivre longtemps.
« Morveuse » est un titre fort et intime, dévoilant une artiste à la riche palette, qui saura vous toucher. La morveuse m’a en tous cas mouchée !
Franck GUIGUE
« Morveuse » par Rebecca Rosen
Éditions L’Employé du moi (18€) – ISBN : 978-2-39004-057-6












