Par les temps qui courent, il est rare qu’un éditeur se lance dans une saga aux allures classiques prévue en plusieurs volumes. Pourtant, Futuropolis a déjà financé les scénarii des six ouvrages nécessaires à l’épopée de « L’Ange corse », lesquels sont d’ores et déjà écrits, et les trois premiers opus sortiront en l’espace d’une seule année… Rien que pour cela — mais pas que… —, saluons la parution du premier tome de « L’Ange corse » : l’histoire d’un orphelin corse qui doit s’expatrier dans l’Indochine des années 1930, pour échapper à une vendetta. Le jeune insulaire est recueilli, à Saigon, par un riche commerçant et propriétaire terrien natif d’Ajaccio : mais sous sa façade respectable, cet homme, bien installé, trempe dans le proxénétisme et le trafic de stupéfiants…
Lire la suite...« SuperGroom T3 : La Stratégie Gaïa » : les intelligences de situations…

Comment réinventer Spirou et parvenir à séduire de nouvelles générations de lecteurs ? Deux questions intrinsèquement liées à la genèse de « SuperGroom » : série dérivée initiée par Fabien Vehlmann et Yoann en 2016-2017. Presque dix ans plus tard, un troisième tome truffé d’adrénaline, de références science-fictionnelles et de rebondissements vient clore cette ligne franco-belge acide et parallèle. Dans « La Stratégie Gaïa », les super-héros ne suffisent cependant plus à régler les menaces pesant sur l’humanité : IA toutes puissantes, robots et clones destructeurs, mondes dystopiques et nouvelles technologies questionnent in fine autant l’ADN du groom que ses futurs développements…
Débutons cette rubrique en renvoyant tous nos aimables lecteurs à un précédent article, paru en février 2020 et narrant la genèse complète de cette série dérivée de l’univers de Spirou. En septembre 2021 paraissait « SuperGroom T2 : La Guerre olympique », satire explosive des émissions de téléréalité et autres jeux aventureux façon « Koh-Lanta », lorgnant, sous l’angle de l’humour noir, du côté de quelques classiques meurtriers de la SF (« Running Man », « Battle Royale » ou « Hunger Games »). Ayant débuté comme un coup de pub raté par le héros pour relancer les ventes de son journal, voici que Spirou était devenu prisonnier de l’identité (tenue secrète !) de SuperGroom. Ce dernier, voulu comme un super-héros européen, cool et écolo, pour ne pas dire déconstruit, était désormais la cible des manipulations d’une sombre organisation : laquelle venait de kidnapper Spip pour contraindre l’infortuné Spirou/SuperGroom à participer malgré lui aux WOW (« Worldwide Olympic War »), face à des compétiteurs surarmés et plus que déterminés à éliminer toute forme de concurrence…
Suite directe de ce deuxième opus, « La Stratégie Gaïa » complique un peu plus la donne : cette fois-ci, SuperGroom, négligeant les conseils de Superwing (alias Spip) se rend à un mystérieux rendez-vous, au sommet de l’imposante tour du consortium Gaïa, laquelle domine désormais Novabrussel. Un piège redoutable, qui va opposer notre héros à la Centaure, à la fois finaliste des WOW et dirigeante d’une firme créant des prothèses et robots sur un mode digne de Frankenstein…
Dans ce troisième volet, les références abondent : en vrac, Spielberg (« Jurassic Park ») et Otomo (« Akira »), Miyazaki (« Nausicaä de la Vallée du vent » et « Princesse Mononoke ») et Moebius, Kurumada (« Les Chevaliers du Zodiaque ») et Scott Card (« La Stratégie Ender ») ainsi que… les politiques françaises les plus rances, ici caricaturées à leur juste mesure, façon « Idées noires » de Franquin. Bardé de gadgets par le comte de Champignac, qui adopte dans cette trilogie le double rôle d’Alfred Pennyworth et de Lucius Fox dans « Batman »), le Spirou de Yoann et Vehlmann enchaîne à en perdre haleine les cascades, dangers, explosions et rebondissements en cascade : un rythme effréné donnant un indéniable punch à cette relecture d’un mythe né dans un univers très très lointain, le 21 avril 1938. Curieusement, comme l’avait cependant annoncé les auteurs fin 2024, Dupuis a choisi de ne pas prépublier (par épisodes) ce troisième opus dans le journal Spirou. Initialement prévu en mars/avril, l’album parait donc enfin dans sa version classique (88 pages en couleurs ; format : 20 x 26,8 cm) en cette fin août 2025, avant une salve de parutions diverses (« Spirou et Fantasio Classique T2 : Le Trésor de San Inferno » (par Fabrice Tarrin et Lewis Trondheim) et « Champignac » T4 (par David Étien et BeKa) le 26 septembre ; « Mademoiselle J. » T4 (par Laurent Verron et Yves Sente) le 17 octobre). Les plus curieux ou les collectionneurs ont toutefois pu bénéficier d’une belle avant-première lors du 52e festival d’Angoulême, grâce à la luxueuse édition intégrale en noir et blanc de « SuperGroom » proposée chez Black & White (188 pages dont un cahier graphique de 20 pages), limitée à 350 exemplaires n°/signés. Un précieux ouvrage collector pour les fans du personnage !
Graphiquement, « La Stratégie Gaïa » impose le style nerveux et décomplexé de Yoann, oscillant entre scènes contemplatives détaillées (pour les architectures ou plans d’ensemble notamment) et cases privilégiant l’action. Le tout sans craindre de perdre les lecteurs dans des arcanes feuilletonesques échevelés : le plein de Super(Groom), sans craindre de se perdre ou de caler en cours de route !
Philippe TOMBLAINE
« SuperGroom T3 : La Stratégie Gaïa » par Yoann et Fabien Vehlmann
Éditions Dupuis (13,95 €) — EAN : 9791034762866
Parution 22 août 2025
Un article complet très diplomatique cher Philippe, où chacun cherchera à deviner si l’album vaut le coup ou pas. Il est clair par contre que graphiquement, c’est plutôt très réussi à mon sens. Le style de Velhmann, surtout en noir et blanc et peinture, faisant son effet.
Cordialement,