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« Que d’os ! » : encore une adaptation réussie d’un polar de Manchette par Max Cabanes !

27/10/2025
Par Gilles Ratier

Avec la complicité habituelle de Doug Headline (le fils du célèbre écrivain), le Grand Prix d’Angoulême en 1990 s’est attaqué avec brio à une nouvelle mise en images d’un roman noir de la figure tutélaire du polar francophone : Jean-Patrick Manchette. Il s’agit, après « Morgue pleine » (déjà adapté en BD par les mêmes auteurs), de la seconde — et donc dernière ! — enquête du détective privé Eugène Tarpon. Elle est parue en 1976 dans la collection Super Noire des éditions Gallimard et elle fut tournée pour le cinéma sous le titre « Pour la peau d’un flic » par et avec Alain Delon, en 1981. Drôle et efficace, « Que d’os ! » imbrique de patibulaires personnages hors normes dans des situations plus qu’improbables.

C’est l’officier de police Coccioli qui a envoyé, en cette année 1975, une cliente — une vieille dame, nommée Marthe Pigot — à son « ami » Tarpon : ancien gendarme qui exerce désormais le dur métier de privé à Paris. L’ancêtre lui demande de retrouver sa fille Philippine, célibataire et aveugle de naissance, qui a disparu mystérieusement il y a quelques jours.

Alors qu’un gus — qui ne lui inspire guère confiance — tente de le convaincre que la nana a fugué avec l’un de ses potes dont elle est folle amoureuse, Eugène reçoit un coup de fil de la mère Pigot, laquelle lui donne rendez-vous dans le hall de la gare Saint-Lazare. Arrivé sur place, le flegmatique détective a tout juste le temps d’apercevoir sa cliente que la tête de cette dernière explose, à la suite d’une décharge d’arme à feu.

Manifestement, notre enquêteur a mis les pieds dans une très étrange affaire, où vont s’entremêler les passés fascistes de certains Français et des relations troubles entre une police ripou et l’extrême droite… Un engrenage infernal où il va embarquer la charmante cascadeuse Charlotte Malrakis et son ami journaliste retraité Jean-Baptiste Haymann.

On avait déjà entrevu ces deux protagonistes dans « Morgue pleine » : ouvrage qui, comme « Que d’os », est aussi une parodie des romans de détective hard-boiled du style Dashiell Hammet ou Raymond Chandler, avec en sus une piquante autopsie de la société française des années soixante-dix.

On y retrouve donc toute la violence et la gouaille de Manchette (un auteur qui a quand même dynamité et revivifié le polar français en seulement dix titres), avec peut-être un peu moins de critiques sociales, mais un côté grinçant, farfelu et grand-guignolesque qui ne pourra que séduire : en effet, cet humour omniprésent est l’un des principaux atouts de cette adaptation.

Doug Headline?

D’ailleurs, Doug Headline reste assez fidèle à l’écriture de son père, surtout dans de nombreux récitatifs bien sentis, préservant l’esprit de tous les livres qu’il a déjà transposés en BD avec Max Cabanes (1) ; lequel, à 78 ans, a gardé toute la virtuosité de son trait, tout en s’accommodant des tendances plus libérées et crayonnées du roman graphique.

Max Cabanes.

Notons aussi que « La Princesse du sang », « Fatale », « Nada » et « Morgue pleine » sont désormais intégrés, comme ce nouveau titre, dans l’excellente collection Aire noire (2) : un récent label créé chez Dupuis en mars 2025, qui rappelle Aire libre par ses qualités littéraires évidentes, et qui est dirigé par Olivier Jalabert et… Doug Headline !

Gilles RATIER