BDZoom > Patrimoine > Le nouveau « Iznogoud » is good !

Le nouveau « Iznogoud » is good !

30/10/2025
Par Gilles Ratier

La plupart des stars de la BD franco-belge étant au rendez-vous en librairie en cette fin d’année, le célèbre vizir qui « veut être calife à la place du calife » débarque lui aussi avec un 33^e album plutôt réussi : tant sur le plan de l’humour — avec des scénarios de Clément Lemoine & Michaël Baril, Falzar & Zidrou ou Olivier Andrieu — que du dessin. Car, si Elric, lui, n’a jamais voulu être Tabary à la place de Tabary, il confirme, avec ce troisième opus auquel il participe, que le choix de le désigner comme successeur du créateur graphique de la série « Iznogoud » (et de son fils qui a fait l’intérim, le temps de trois recueils) est excellent. Il apporte de la modernité, tout en respectant le style original : lequel devient, pour l’occasion, un poil plus acéré !

« Poussah-toi de là que je m’y mette ! », scénario de Falzar et Zidrou.

Au détour de cinq fort drôles nouvelles histoires de huit pages chacune (format idéal pour cet hilarant humour répétitif — et truffé de jeux mots — initié par le génial René Goscinny, premier scénariste de la BD), l’infâme et acharné Iznogoud tente encore, toujours sans succès, d’usurper la place du calife Haroun El Poussah, avec la complicité de son fidèle homme de main Dilat Laratht.

Dans le premier récit (« Poussah-toi de là que je m’y mette ! ») proposé par le duo des « potaches » Falzar et Zidrou — ce dernier adorant reprendre, même le temps de quelques gags, les héros de BD ayant bercé sa tendre jeunesse —, nous découvrons Nourah : la sœur de ce bon Haroun qui, elle aussi, veut prendre la tête du califat, à la suite d’une ancienne promesse. Notre horrible vizir se dit alors que, s’il l’épouse, il peut accéder au trône et neutraliser sa dangereuse rivale. Et c’est donc ce nouveau personnage qui donne son titre à l’album.

« Les Casques de réalité magique », scénario de Clément Lemoine et Michaël Baril.

De nombreux stratagèmes, plus machiavéliques et tordus les uns que les autres, sont également mis en place dans les épisodes écrits par Clément Lemoine et Michaël Baril (pour trois histoires) ou par Olivier Andrieu, lequel prépare une monographie attendue sur Jean Tabary (1) aux éditions Klev. Comme Falzar & Zidrou, ils rivalisent tous de bonnes idées et de calembours pour continuer à nous faire rire de bon cœur avec cette excellente reprise.

Rappelons que le personnage d’Iznogoud a vu le jour en 1962 dans le recueil de nouvelles « Les Vacances du Petit Nicolas » de René Goscinny et Jean-Jacques Sempé (paru chez Denoël), où un moniteur de colonie raconte aux enfants un conte mettant déjà en scène celui qui veut devenir « calife à la place du calife ». Quelques mois plus tard, le cocréateur d’« Astérix » réutilise cette anecdote pour une bande dessinée mise en images par Jean Tabary, proposée dans le premier numéro du magazine Record, sous le titre « Les Aventures du calife Haroun El Poussah ».

« Iznogoud et la licorne bleue », scénario d'Olivier Andrieu.

En mai 1968, la série est publiée conjointement dans le mythique hebdomadaire Pilote et, à partir d’octobre 1974, l’ignoble Iznogoud commente l’actualité dans Le Journal du dimanche. Au total, Goscinny et Tabary signeront 17 opus à mourir de rire… Après le décès de son scénariste, le dessinateur prend seul en charge, en 1981, ce qui, huit ans plus tôt (depuis le neuvième album), était alors devenu « Les Aventures du grand vizir Iznogoud ».

Lorsque Tabary est parti rejoindre son complice au paradis des humoristes, son fils Nicolas, qui l’assistait déjà sur les couleurs, relance la série en 2008, en compagnie de sa sœur Muriel et de son frère Stéphane pour les scénarios. Après deux autres titres (sur des textes de Nicolas Canteloup et Laurent Vassilian) et une participation au tome 31 — sur trois histoires écrites par Jul, Laurent Vassilian et Olivier Andrieu —, Nicolas Tabary, un peu fatigué de porter le personnage, passe le relais à Elric pour deux récits présents aussi dans ce recueil paru en 2021, afin de s’atteler à différents projets plus personnels.

« Le Massage trop relaxant », scénario de Clément Lemoine et Michaël Baril.

Le duo Olivier Andrieu/Elric (2) est donc aujourd’hui bien rodé sur cette série, et l’apport de scénaristes occasionnels permet de découvrir avec toujours autant de plaisir — et sans aucune lassitude, même pour les anciens lecteurs — les nouvelles manigances d’Iznogoud pour parvenir à ses fins : ce qu’il n’a jamais réussi à faire, en 63 ans d’existence !