C’est devenu une tradition depuis cinq ans (1) : tous nos collaborateurs réguliers se donnent le mot, à l’occasion de cet ultime article de l’année, pour une petite et très variée session de rattrapage ! En effet, même s’il est assurément plus porté sur les classiques du 9e art et son patrimoine, BDzoom.com se veut quand même un site assez éclectique : pour preuve cette compilation de quelques albums de bandes dessinées que nous n’avions pas encore, pour diverses raisons, pu mettre en avant, lors de leurs sorties dans le courant de l’année 2025.
Lire la suite...LE CAMION DES YEUX
1965. Des manifestations d’étudiants parisiens idéalistes aux réalités troubles d’une Afrique en trompe l’oeil, Mathilde gagne le Cameroun pour tenter de donner un sens à sa vie. Elle est bientôt rejointe par le beau Clément, qui s’est résolu par amour à surmonter son inertie et à s’embarquer clandestinement.
Le camion des yeux, t1, N’Gaoundéré, Arnaud Floc’h et Jean-Louis Floch, BFB éditions
Il affronte la faune des Européens énervés, mais c’est bel et bien Amiel, l’énigmatique instituteur noir, qui manipule tous les destins.
Le titre est en soi le reflet de l’album : surprenant, exotique et accrocheur ; alors que la couverture, peu compréhensible au premier regard et résolument vieille école, centrée sur un non événement apparent, attire l’attention vers les détails qui ponctuent, comme autant de relais posés en indices, une intrigue ostensiblement linéaire, mais en fait touffue et savamment composée, jusqu’à faire glisser le propos doucement acidulé d’une comédie sociétale vers un implacable drame fantastique. Plein de mystères, fonctionnant tout en suggestions escamotées aussitôt que dévoilées, ce récit de mauvais oeil, d’envoûtement, de frustrations personnelles aiguës, de fausses libertés et de vrais malheurs, nous est donné sur fond d’affirmation désordonnée des identités nationales africaines, alors que les blancs refluent tout en restant très présents. L’ambiance post coloniale est encore renforcée par le dessin rétro, l’encrage en couleurs primaires et la texture granuleuse du papier très années 1960. Une jolie découverte chez un éditeur perspicace.
Joël Dubos






