Par les temps qui courent, il est rare qu’un éditeur se lance dans une saga aux allures classiques prévue en plusieurs volumes. Pourtant, Futuropolis a déjà financé les scénarii des six ouvrages nécessaires à l’épopée de « L’Ange corse », lesquels sont d’ores et déjà écrits, et les trois premiers opus sortiront en l’espace d’une seule année… Rien que pour cela — mais pas que… —, saluons la parution du premier tome de « L’Ange corse » : l’histoire d’un orphelin corse qui doit s’expatrier dans l’Indochine des années 1930, pour échapper à une vendetta. Le jeune insulaire est recueilli, à Saigon, par un riche commerçant et propriétaire terrien natif d’Ajaccio : mais sous sa façade respectable, cet homme, bien installé, trempe dans le proxénétisme et le trafic de stupéfiants…
Lire la suite...Les sculpteurs de la BD…

Avec les années 1980, la bande dessinée, art mineur, est devenue un art majeur : le 9e. Les enfants, jusqu’alors considérés comme uniques consommateurs, ont été rejoints par une cohorte d’adultes aux moyens financiers souvent bien supérieurs. Des librairies se sont ouvertes, les albums se sont multipliés, bientôt rejoints par ce que l’on appelle les produits dérivés ou encore le para BD. Entre sérigraphies, portfolios et autres coffrets, les figurines en sont vite devenues l’attraction majeure…
Derrière ces objets représentant en trois dimensions, non seulement les personnages, mais aussi leurs environnements (leurs véhicules, leurs objets familiers…), se cachent de véritables artistes : sculpteurs, modélistes, peintres… Ce sont eux que présente Bruno Cabanis dans un luxueux ouvrage cartonné de 288 pages, richement illustré. Des premiers modèles en bois — en plâtre ou émaillé — réalisés en 1930 et représentant le célèbre pingouin Alfred d’Alain Saint-Ogan aux créations actuelles, toujours plus ambitieuses, cette représentation photographique de plus de 400 figurines nous permet de mieux réaliser le chemin parcouru. Des reportages photo invitent le lecteur, émerveillé, à suivre les créateurs de figurines dans leurs ateliers, d’y découvrir leurs secrets de fabrication, leurs succès, leurs échecs. On y croise Gérard Liger-Belair conseiller technique d’Hergé, Nat Neujean sculpteur de « Tintin », Géo Salmon concepteur de voitures dont la fameuse Turbotraction pour André Franquin, Jean-Marie Pigeon et Michel Aroutcheff les pionniers, Marie Leblon et son compagnon Éric Delienne, Alexis Poliakoff le roi des Pixis, Patrick Regout le spécialiste de « Tintin », Serge Leuba expert en engins de tous genres, Pascal Rodier et ses « Fariboles », Attakus et l’équipe de Bombyx… De véritables artistes qui doivent aussi apprendre éviter les pièges des rudes négociations des licences, où agents, auteurs et éditeurs sont impitoyables.
S’il arrive que les ouvrages consacrés à la bande dessinée se révèlent décevants, ce n’est pas le cas de celui-là. Copieux par le texte, riche par l’iconographie, il est aussi impressionnant par le soin porté à sa réalisation : cinq ans de recherches, d’entretiens et d’enquêtes pour Bruno Cabanis. Un bon moyen d’admirer, chez eux, ces objets aux prix élevés pour ceux qui se contentent d’en rêver en les contemplant dans les devantures des boutiques. Un beau cadeau à (s)’offrir en cette période de fêtes de fin d’année.
Henri FILIPPINI
« Les Sculpteurs de BD » par Bruno Cabanis
Éditions Eyrolles (45 €)