Le premier tome de « L’Ombre des Lumières » sorti l’an passé (1) se terminait par le départ, en ce milieu du XVIIIe siècle, du malfaisant chevalier de Saint-Sauveur pour le Nouveau Monde. En effet, toutes ses intrigues se sont retournées contre lui ! Après avoir séduit et trompé la jeune Eunice de Clairefont éprise de la philosophie des Lumières, menacé de mort par son mari et criblé de dettes, Saint-Sauveur a été obligé de s’exiler. En débarquant à Québec, il ne désespère cependant pas de retrouver sa place à Versailles, d’autant plus qu’un de ses peu fréquentables amis lui a proposé d’effacer toutes ces dettes s’il accepte de réaliser une mission vengeresse qui va lui permettre de déployer ses funestes talents…
Lire la suite...« Imbattable » : un entretien hors cadre avec Pascal Jousselin
C’est dans le magazine Spirou n° 3920 qu’est apparu, pour la première fois, un drôle de super-héros qui passe d’un bond de la préparation de son petit déjeuner à la rescousse de la veuve et de l’orphelin, son nom : Imbattable. Le premier album de ce débonnaire personnage créé par Pascal Jousselin (« Justice et légume frais ») reprend une vingtaine d’aventures prépubliées dans l’hebdomadaire des éditions Dupuis.
Imbattable vit dans une petite ville de province. Connu de tous, il y mène une vie tranquille, rythmée par son marché du mercredi et son déjeuner dominical chez sa mémé. Le reste du temps, Imbattable se sert de ses pouvoirs pour rendre service à ses voisins, sa famille et à combattre le crime. Les pouvoirs d’Imbattable viennent de sa conscience et de sa capacité à évoluer au sein de la page ou de la double page dans laquelle il se trouve.
Imbattable peut voir dès le début de la planche tout ce qui s’y passe, contrairement aux autres personnages présents. Sa vision panoptique le rend prescient des actions à venir et Imbattable peut ainsi trouver une solution, avant que les protagonistes de l’histoire aient même conscience d’un problème imminent. Les espaces interstitiels entre les cases ne sont pas, pour Imbattable, d’infranchissables frontières : une continuité dans les dialogues peut lui servir de passerelle entre plusieurs cases. Sûr du résultat, il gagne imperturbablement sans crânerie : il est donc imbattable.
Fort de ces aptitudes, Imbattable aide tranquillement le capitaine Jean-Pierre de la gendarmerie à appréhender des malfrats traditionnels, mais rencontre aussi d’autres héros possédant d’étranges pouvoirs : Pépé Cochonnet, Toudi et le plus terrible d’entre eux Le Plaisantin. Comme tout super-héros qui se respecte, Imbattable a sa propre Némésis, en la personne d’un savant fou cherchant à dominer le monde ou à tout casser ; mais imperturbable et toujours sûr du résultat, Imbattable gagne toujours.
« Justice et légumes frais » est un vrai régal de lecture. Nous décortiquons avec plaisir les astuces que met en place Pascal Jousselin pour nous raconter les aventures d’Imbattable. Dans la lignée d’auteurs tels Marc-Antoine Mathieu et Fred, Pascal Jousselin détourne les propriétés du sacro-saint gaufrier de son dessin doux, pour nous offrir une lecture ludique et intelligente.
Bonjour Pascal. Pouvez-nous dire comment est né « Imbattable » ?
J’ai toujours aimé jouer avec les contraintes et ce qui fait la spécificité de la bande dessinée m’a toujours intéressé. Du coup, cette idée d’avoir un super-héros ayant un pouvoir lié à la bande dessinée est venue assez naturellement, même si je ne me souviens plus du contexte exact. Une chose est sûre : les prémices de ce projet étaient dans ce strip réalisé quelques mois avant de créer Imbattable.
Le projet fut facile à placer auprès d’un éditeur ?
En fait, oui. Je n’avais fait que deux planches d’« Imbattable », et comme cela me semblait raccord avec ce que publiait le journal Spirou, je leur ai envoyé (même si je ne connaissais personne là-bas). Frédéric Niffle, le rédac’chef m’a très rapidement répondu qu’il était intéressé. Alors je n’ai envoyé le projet à personne d’autre, et c’était parti.
Je dois dire qu’avec un principe pareil, je pensais réussir à ne faire que 6 ou 8 pages, donc je n’avais prévu de proposer ce projet qu’à des revues, pas à des éditeurs… Or, vu le nombre très limité de revues publiant de la BD, il y a de fortes chances que, si Spirou avait refusé, je n’aurais pas développé plus « Imbattable » et je serai passé à autre chose…
La prépublication aide à créer un univers, à affiner un personnage ?
Oui. Même si le cas d’« Imbattable » est un peu particulier. J’avais prévenu Frédéric Niffle que je ne ferais sans doute pas beaucoup de pages. Initialement, « Imbattable » n’a donc pas été pensé comme une véritable série. Le décorum un peu décalé (héros éternellement en costume qui vit dans un lotissement d’une petite ville tranquille) avait été posé de manière instinctive. Ce n’est qu’au fil des premières pages, que certaines choses se sont débloquées, que j’ai compris ce qui me semblait important et quel équilibre me semblait judicieux…
La publication dans Spirou a donc permis de faire tout ça assez naturellement, page par page, sans m’inquiéter de savoir si j’aurai un jour de quoi remplir un album, mais juste en avançant tout en essayant de bâtir un univers cohérent.
Le fait d’avoir, dans une même histoire, deux rythmes de narration (celle d’Imbattable et celle des autres personnages) rend-il le scénario difficile à concevoir ?
Les scénarios d’Imbattable ne sont pas des scénarios faciles à écrire, en effet ; et les différents parcours de lecture sont parfois complexes à organiser. Mais ce qui m’intéresse surtout, c’est d’intégrer ça de manière logique dans un cadre d’aventures classiques franco-belge.
Les jeux sur le langage, cela existe quasiment depuis que la BD existe. Winsor McCay, Hergé, Fred, Gotlib, Marc-Antoine Mathieu, les éminents membres de l’Oubapo… Des centaines d’auteurs ont déjà travaillé là-dessus. Je n’invente pas grand-chose.
Dans un Spirou spécial été, vous racontez la découverte de ses pouvoirs par Imbattable. Avez-vous pensé à la manière dont ils lui sont venus ?
Dans l’histoire à laquelle vous faites référence, Imbattable ne découvrait pas vraiment son pouvoir : il était juste amené à réfléchir à l’usage de son pouvoir. Non, je n’ai pas réfléchi à la manière dont il a eu ses pouvoirs, et a priori, je ne pense pas le révéler.
Le personnage du « faire-valoir » ou celui du méchant revanchard étaient prévus dès le départ ?
Le personnage du savant fou est apparu assez tôt et de manière complètement instinctive : j’avais juste besoin d’un méchant dans une histoire d’une page. Or, un savant fou, c’est hyper pratique : c’est tellement l’archétype du méchant qu’il n’y a pas besoin de perdre du temps à justifier ou expliquer les motivations de ce personnage. Et vu qu’on est dans de l’aventure humoristique, le côté cliché du savant fou n’est pas gênant, au contraire. Dès sa première apparition, on sous-entend donc qu’il s’agit d’un ennemi récurrent…
Ensuite, dès qu’une aventure nécessitait un ennemi sans caractéristique particulière, naturellement je reprenais le savant. Son statut de méchant récurrent s’est donc trouvé justifié après coup, au fil des histoires…
Avec le temps, j’ai réalisé que ce personnage était aussi bien pratique pour une autre raison : un savant fou, c’est un inventeur. Lorsque, par exemple, j’ai décidé de faire une histoire avec un trou dans une page, il a donc suffi que je fasse le savant fou qui tire avec une arme sensé anéantir la matière et, hop !, le trou dans la page était justifié de manière ultra-simple, sans avoir besoin de recourir à des explications compliquées…
Le personnage de Toudi, quant à lui, est venu plus tard. Initialement, il a été créé à cause de son pouvoir, pas pour être le second d’Imbattable. Mais, pour être raccord avec l’aspect un peu décalé de l’univers, j’ai décidé d’en faire un ado qui veut faire son stage de 3e chez Imbattable. Puis, comme je n’avais exploité qu’une partie des possibilités qu’offre son pouvoir, j’ai décidé de le réutiliser… Et il est devenu le Robin d’Imbattable.
Même chose pour le personnage du Plaisantin, on l’a revu dans une seconde histoire, parce qu’il me restait quelque chose à faire avec son pouvoir…
Et toujours pour les mêmes raisons, sachez qu’on reverra un jour le personnage de Pépé Cochonnet…
Comment avez-vous retenu les histoires pour « Justice et légumes frais » ?
Même si ce sont des histoires courtes, il y a malgré tout une sorte de progression dans « Imbattable ». Il y avait donc un certain ordre et des passages obligés à respecter (par exemple, les premières apparitions du savant fou, du maire, de Toudi, du neveu, de Jean-Pierre, du Plaisantin, de la PDG…). Ce qui a déjà rempli en grande partie les 46 pages de ce premier tome.
Après, je voulais absolument qu’on ait un truc spécial sur l’objet : il y a donc aussi l’histoire avec la page découpée (évoquée précédemment) qui est un épisode qui avait été écrit spécialement dans ce but (c’est seulement ensuite qu’on s’est dit qu’on pourrait la publier dans Spirou en laissant le lecteur découper lui-même la partie à ôter !)…
Il ne restait plus qu’à compléter et boucher les derniers trous, en choisissant des histoires de la bonne longueur et qui ne perturbent pas le reste. Du coup, le début du tome 2 a été monté en même temps.
Comment êtes-vous entré dans l’Atelier Mastodonte ?
Quelques mois après la publication des premières aventures d’Imbattable, j’ai reçu un mail de Lewis Trondheim (que, à l’époque, je ne connaissais pas personnellement) me proposant de passer les voir à l’atelier. Pour moi, c’est le genre d’invitation qui ne se refuse pas. Alors j’ai sué beaucoup et j’y suis allé. C’était il y a bientôt 4 ans.
C’est très agréable, Mastodonte. On s’amuse vraiment bien. Et, comme ça raconte le merveilleux quotidien des auteurs de BD, ça peut même parfois être utilisé de manière bassement commerciale…
Vous avez été le maître d’œuvre, l’organisateur de l’aventure « Fantasio a disparu » dans le Spirou 3997, une histoire pour laquelle le lecteur arrivait en choisissant, à la fin de chaque strip, la suite de l’histoire. Vous aimez bien détourner la narration classique ?
C’était une proposition de Frédéric Niffle. Il m’avait demandé de réfléchir à un moyen de développer un principe d’aventure dont vous êtes le héros. J’avais donc proposé le projet que vous évoquez. Je ne pense pas que ça soit le détournement de la narration qui me motive, ce sont plutôt les contraintes.
Là, il fallait renouer tous les fils de l’intrigue, les pistes lancées par d’autres auteurs pour, au final, obtenir un ensemble cohérent, sans laisser aucun truc en suspens. C’est ça qui m’amuse : trouver des idées pour retomber sur mes pieds et essayer de faire en sorte que la contrainte initiale ne prenne jamais le dessus et ne vienne pas parasiter le plaisir de lecture ou l’histoire.
Lorsque, il y a une grosse dizaine d’années, nous avons fait avec Brüno « Les aventures de Michel Swing », une BD réalisée sous contraintes, c’était déjà cela qui m’intéressait : faire n’importe quoi, partir dans tous les sens, puis se débrouiller pour que ce n’importe quoi devienne cohérent.
Depuis quelque temps, le magazine Spirou annonce un numéro spécial un peu dans le même genre, vous pouvez nous en parler ?
Il y a quelques années, le journal a proposé aux lecteurs plusieurs défis Spirou : l’un de ces défis consistait à trouver des idées de numéros spéciaux. Deux idées de lecteurs avaient alors été retenues. La première était un numéro à faire soi-même (ce numéro a été rapidement réalisé, c’était le n° 4025 paru en mai 2015). La seconde proposition était un numéro spécial enquête, où le lecteur en recoupant les indices contenus dans le journal pourrait résoudre une énigme. C’est cette idée qu’on m’a proposé de développer avec la rédac’ de Spirou.
Je suis parti sur une intrigue de type Agatha Christie : Spirou arrive dans une villa sur une petite île isolée/un truc arrive/le coupable est forcément l’une des personnes présentes.
Un point de départ très simple pour mieux pouvoir faire les zouaves ensuite… Enfin, vous pourrez voir ça bientôt, car ce numéro spécial paraîtra le 17 mai. Un ultime chapitre sera publié dans le numéro de la semaine suivante, dans lequel l’énigme sera résolue, car Spirou va gagner à la fin.
Ah mince, j’ai spolié.
Vous aviez créé les personnages de Voltige et Ratatouille pour les éditions Treize Étrange qui étaient repris par un dessinateur différent à chaque album. Peut-on espérer un jour lire « Une aventure de Spirou… par » Pascal Jousselin ?
C’est en fait Fred Mangé qui a créé le concept de « Voltige et Ratatouille », moi j’avais juste fait en sorte d’inventer des personnages potentiellement reprenables.
Concernant Spirou, avec le numéro spécial dont on vient de parler, vous aurez au moins une petite aventure de Spirou… Car « Spirou et l’affaire du pingouin » (c’est son titre), en comptant les pages mettant en scène Spirou, Fantasio ou Seccotine, fera 22 pages au total (dont 16 que j’aurai dessiné).
Désormais, la priorité, c’est de me remettre à « Imbattable » : il me reste 20 pages pour boucler un tome 2, ce qui est jouable, car il me reste quelques idées d’avance…
Alors, maintenant, Monsieur, il faudrait arrêter cet interview et me laisser retourner bosser, s’il vous plaît…
Mille mercis invincibles à Pascal Jousselin pour ses réponses.
« Imbattable : Justice et légumes frais » par Pascal Jousselin
Éditions Dupuis (10,95 €) – ISBN 978-2-8001-7064-0
Juste un petit mot pour dire que j’ai découvert Imbattable dans le journal de Spirou et que c’est pour moi la meilleure nouvelle série depuis plusieurs années. Félicitations Pascal Jousselin, continuez comme cela, je me régale à chaque nouvelle aventure d’Imbattable !
Du coup, j’ai acheté l’album pour l’offrir à un proche et lui faire découvrir, et il a adoré !
Je souhaite beaucoup de succès à Imbattable, qui en plus se renouvelle sans cesse. Vivement la tome 2 !
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