« Jess Long » de Tillieux et Piroton : une intégrale très attendue par les amateurs de BD franco-belges classiques…

Réclamée à cor et à cri par les aficionados au temps où les éditions Dupuis avaient une véritable politique éditoriale patrimoniale, l’intégrale en couleurs de la mythique série policière « Jess Long » (dessinée par l’efficace Arthur Piroton et écrite par l’imaginatif Maurice Tillieux) qui fit les beaux jours du journal Spirou, sort finalement en cinq gros volumes — dont le premier est déjà disponible — chez Ad hoc : la nouvelle structure de Bruno Senny qui nous a démontré, avec leurs premières parutions, leur attachement à BD classique franco-belge ! (1)

Membre éminent du F.B.I. de New York, Jess Long, brun et svelte, fume la pipe et porte élégamment costume et cravate. Avec son collègue Slim Sullivan (un râleur impénitent qui a le cœur sur la main), il quitte régulièrement son bureau pour patrouiller dans les zones d’ombre de l’Amérique profonde des années soixante-dix à quatre-vingt-dix, afin de traquer de dangereux criminels ou résoudre des affaires aussi trépidantes que difficiles.

Chaque enquête, toutes plus captivantes l’une que l’autre, permet de découvrir des milieux différents et des personnages insolites. Seule la blonde shérif du comté de Fremont (Jenifer Jones Austin) reviendra, par la suite, seconder les deux policiers.

Créée en 1969, cette bande dessinée emblématique, mélangeant humour, suspense et action, a marqué plusieurs générations de lecteurs (elle se poursuivra jusqu’en 1996, avec un album inédit, non prépublié dans l’hebdomadaire des Dupuis), les protagonistes évoluant dans une ambiance rappelant les films ou les séries cultes de la télévision de l’époque (comme « Columbo » ou « Starsky et Hutch »).

Le talentueux duo Arthur Piroton (2) et Maurice Tillieux (3) y marie, avec brio, investigations policières et divertissement. Le premier dessine de façon consciencieuse et très réaliste, dans un style inspiré par celui de l’Américain Alex Raymond (« Flash Gordon », « Jungle Jim » et surtout « Rip Kirby » pour l’influence sur « Jess Long »), tandis que le second excelle dans des intrigues flirtant quelquefois avec le fantastique et l’horreur : une atmosphère peu habituelle dans le Spirou de cette époque. 

Doté, par ailleurs, d’une solide aptitude au dessin, Tillieux montre ici son savoir-faire de raconteur d’histoires pour proposer des tranches de vie peu ordinaires, adaptant notamment, en les développant, plusieurs anciens scénarios qu’il avait écrits pour la série « Félix » au temps des Héroïc-albums(4)

Ceci jusqu’à son décès en février 1978, où Tillieux sera remplacé par bien d’autres scénaristes : Jacques Raes, Hervé Croze, Arthur Piroton lui-même, Raoul Cauvin, Francis Dorao, Stephen Desberg, Marc Wasterlain, Jean-Claude Smit-le-Bénédicte (alias Mythic), Dom (de son vrai nom Dominique Letellier), Zidrou et Jean-Louis Janssens.

Les aventures des deux agents du F. B. I. étant plus ou moins longues, les albums ne seront publiés chez Dupuis qu’à partir de 1976 et compileront les histoires pour arriver systématiquement au standard des 48 pages, sans trop se soucier de la chronologie : certains épisodes étant restés inédits sous cette forme. (5)

L’intégrale des respectueuses éditions Ad Hoc nous invite à redécouvrir une œuvre essentielle (même si certains l’ont souvent considéré comme mineure) de façon exhaustive et dans l’ordre de parution initiale de Spirou.

Outre l’insertion bien vue des couvertures du magazine ou des albums, chaque volume de 232 pages comprend un dossier d’introduction érudit.

C’est le spécialiste belge Christian Jasmes qui s’y est collé pour placer la série dans son contexte, en abordant divers aspects documentaires, historiques et biographiques.

L’autre bonne idée de cette indispensable édition étant de proposer ces ouvrages, fort bien maquettés, dans un format légèrement plus grand que celui d’origine (240 x 315 mm) : ce qui met mieux en valeur les pages réalisées par les auteurs, sous une belle couverture coloriée avec la judicieuse palette de Benoît Bekaert (alias BenBK).

Vous avez dit indispensable ?

Gilles RATIER

Couverture du tome 2 de l'intégrale des éditions Ad hoc, à paraître en mars 2026.

(1)   Voir sur BDzoom.com : « La Patrouille des Castors » inaugure la collection Vint’page : recueils de planches originales — en fac-similés — de séries mythiques à un prix très raisonnable !Les éditions Ad hoc « font [brillamment] mémoire » avec l’étoile Sirius ! et « Pemberton » de Sirius : un second volume ad hoc de l’intégrale !.

(2)   Pour en savoir plus sur Arthur Piroton, voir sur BDzoom.com : « Michel et Thierry » par Arthur Piroton et Charles Jadoul.

(3)   Pour en savoir plus sur Maurice Tillieux, voir entre autres sur BDzoom.com : L’envers des planches de Maurice TillieuxUne escapade vécue par Maurice Tillieux, digne de ses héros de BD…Maurice Tillieux nous fait un Signe : quel Ange !Du Tillieux réaliste !Mission accomplie pour les éditions de l’Élan, avec la publication du tome 11 de l’intégrale « Félix » !Et de dix pour l’intégrale « Félix » !Un « Félix » de Tillieux à mettre sous le sapin !Tillieux, Goscinny et Charlier en majesté…« Félix » a toujours autant d’Élan !Du patrimoine érudit…Enfin, une nouvelle intégrale pour « Félix » de Maurice Tillieux !Les couvertures de « Félix » en intégrale…. , De quelques nouveautés franco-belges venant tout droit du passé…Revue de détail des dernières nouveautés du passé de Tintin ou de Spirou !Un nouvel Élan pour Maurice Tillieux

Le premier album de « Jess Long ») publié chez Dupuis, en 1976.

(4)   C’est le cas, pour le premier volume, de « Kidnapping » dont le scénario est emprunté à « Formule Z » publié en 1950, de « K. O. pour l’éternité » repris de « Neuf ! Dix ! … Out ! » datant de 1955 ou des « Masques de mort » adapté de « La Momie mène la danse » paru en 1951.

(5)   Ainsi, en ce qui concerne le tome 1, les deux pages de « Calibre 33 » sont inédites en album. Quant aux autres récits, ils sont égrenés, sans soucis de chronologie dans les opus Dupuis n° 1, 2, 4, 8, 10 et 11.

« Jess Long : intégrale » T1 par Arthur Piroton et Maurice Tillieux 

Éditions Ad Hoc (45 €) — EAN : 9782960354539

Parution 15 septembre 2025

Galerie

10 réponses à « Jess Long » de Tillieux et Piroton : une intégrale très attendue par les amateurs de BD franco-belges classiques…

  1. Patrick Bussard dit :

    Merci à BD Zoom pour cet article et surtout pour la reproduction des planches ce qui permet pour quelqu’un qui ne connait pas du tout cette série de se faire une meilleure idée. J’avais déjà demandé l’ouvrage à mon libraire la semaine dernière afin de pouvoir juger sur pièce plutôt que le commander en aveugle. Et là, oui, définitivement, vu le dynamisme qui se dégage des planches, je vais me l’acheter. Je vais pouvoir me le commander sans surprise avec la joie de lire du Tillieux dont je ne connais (et vénère par dessus tout) que Gil Jourdan et Felix.
    Encore merci pour cet article détaillant cette sortie.

  2. Marcel dit :

    La couverture du tome 2 reprend celle du tome 5 de la série d’origine. A la faveur de cette recolorisation, je me suis dit « Tiens, on dirait pas du Piroton habituel, surtout le visage de Jess Long ». Comme l’album est sorti en 1980, et qu’il était à l’époque son assistant sur Les casseurs de bois, je me demande si l’encrage n’est pas de Francis Carin ?…

  3. Julien dit :

    Nostalgie à l’état pur et réelles qualités pour une des très rares bd ayant survécu à son auteur/scénariste très inspiré…
    Tandis qu’evoluait au mieux le trait de Piroton.
    Et dans les années 70, la jubilation tout aussi inspiré du grand Franquin pour accompagner les régulières parutions!Ambiance!

  4. Thomas Brecht dit :

    Effectivement série très inspirée des strips américains d’Alex Raymond, Rip Kirby et Secret Agent X-9 aussi bien dans le style que dans les histoires, mais n’a pas à rougir de la comparaison. Une de mes séries préférées de Spirou dans les années 70. Dommage que le journal se soit éloigné de ce type de BD, mais probablement difficile de concurrencer la télévision sur ce créneau en 2025, vu le nombre hallucinant de séries U.S. contemporaines avec ce type d’intrigue. Il y en avait déjà beaucoup à l’époque mais elles étaient nettement moins présentes sur nos écrans franco-belges.

    • Julien dit :

      Le format, aléatoire, couvrait souvent de 16 à 22 planches, parfait pour le rythme,le souffle de ces récits admirablement composés avec un plaisir évident.
      Pour Tillieux l’occasion de servir un dessinateur qu’il jugeait mal exploité.

  5. Michel Dartay dit :

    Excellente initiative!

  6. Zaza dit :

    Grand professionnalisme et froideur exacerbée pour Piroton dans cette série – et ses autres également. L’utilisation à haute dose de références photos y est pour beaucoup. Suivant les épisodes et les périodes c’est plus ou moins marqué, même si.

    À une époque où internet et la capture d’écran n’existait pas, on se demande parfois comment il était possible de rassembler toutes les photographies nécessaires à la réalisation d’un épisode vu la variété des personnages, poses, expressions, décors, ambiances, etc… Alex Raymond avait les moyens et la possibilité de faire poser des modèles en costumes.

    Ici les romans photos axés sur les histoires de genres, western, horreur, policier devaient beaucoup servir. Le grand Jijé en était particulièrement friand.

  7. Gilles dit :

    ENFIN ! depuis que l’on attendait une telle (belle) initiative !

  8. Diddu dit :

    Quel régal que de lire cette intégrale et pouvoir enfin découvrir Jess Long dans une magnifique version.
    Bravo Ad Hoc, tout comme Fordis, les éditions de l’Elan, BD Must, Les rêveurs et beaucoup d’autres petits éditeurs qui font un magnifique travail patrimonial.

    Allez, qui se lance enfin pour Marc Dacier ?

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