Avec « Le Tombeau des chasseurs », le talentueux Victor Lepointe évoque la tragédie collective d’une bataille vosgienne en 1915 et, plus encore — par le regard de l’un d’eux, Victor Granet —, scrute l’intimité des sentiments de ces chasseurs alpins sacrifiés. Plongée dans la si mal nommée Der des ders…
Lire la suite...« Le Collège noir T1 : Le Livre de la lune » par Ulysse Malassagne
Un bon livre d’horreur se doit d’avoir une base réaliste avant de basculer vers ce que personne ne devrait jamais voir, même dans une nuit de cauchemars. Seules quelques touches d’humour permettent d’adoucir la noirceur du récit. Tous ces ingrédients sont réunis dans « Le Collège noir » : une excellente bande dessinée fantastique pour la jeunesse qui inaugure Grafiteen, le nouveau label des éditions Milan en direction des préadolescents de 11 à 14 ans.
Ulysse, adulte, se raconte en bande dessinée. Ému et concentré, il narre une part de sa jeunesse composée d’aventures tellement étranges et terrifiantes qu’il n’avait jusqu’à présent jamais osé les dessiner. Il a enfin trouvé le sang-froid nécessaire pour, selon ses propres dires : « Raconter les terribles histoires qui ont composé mes années de collège… Voici donc, aussi fidèles que ma mémoire a pu les conserver sans sombrer dans la folie… Les Souvenirs du Collège noir ».
Ce collège, d’abord anodin, était perdu au milieu de grandes forêts de montagnes. Construit autour d’une vieille église médiévale, l’ambiance y était familiale. Ainsi, l’été, certains élèves dont les parents ne pouvaient s’occuper y demeuraient à l’internat. Lena, la surveillante punk, y exerçait un contrôle lâche, préférant réparer sa moto que proposer des activités aux jeunes adolescents. Cela convenait parfaitement aux internes. Ulysse, Krum, Step, Mei, Jonas et Ouss ont ainsi noué des liens d’amitié très forts, lors d’expéditions aventureuses dans la nature alentour, pleine d’animaux, de clairières secrètes et de vieilles ruines.
Tout changea quand Jonas a dû rentrer chez son père. Sous le regard de ses camarades, il entra dans la sombre forêt, mais n’arriva jamais dans la ferme isolée où il vivait. On retrouva le lendemain, son petit corps inexplicablement noyé dans une mare peu profonde. Et c’est là que les ennuis commencèrent pour la petite bande d’Ulysse.
La nuit suivante, les enfants sont réveillés par l’âme de Jonas qui veut les voir une dernière fois avant de rejoindre la forêt voisine. Ses copains ne l’entendent pas ainsi : ils le poursuivent jusqu’à une petite clairière où ils demeurent interdits. Une vieille sorcière y organise un diabolique sabbat. Elle enferme les âmes des défunts pour un dernier voyage pour le Seigneur des ténèbres. Téméraires, les six internes dérangent sa macabre cérémonie pour délivrer l’esprit de Jonas. Ils réussissent, mais la nécromancienne les maudit : « Toutes les nuits jusqu’à votre mort, les forces obscures vous scruteront de leur regard brûlant ! Et vous rembourserez de vos propres âmes celle que vous leur avez prise ! »
Désormais, toutes les nuits, l’internat se peuple de bêtes démoniaques et de monstres maléfiques : Croquemitaine, bouc à pentacle sur le front, Boaquou, l’esprit qui vit sous la première marche de l’escalier, ou danse macabre de squelettes. Mais après avoir subi des attaques répétées, le petit groupe soudé décide de mettre fin à ces offensives nocturnes en éliminant la source de leurs problèmes : la sorcière qui les a maudits.
Dans la lignée de son remarqué triptyque fantastique « Kairos », Ulysse Malassagne développe ici un univers fantastique peuplé d’un bestiaire classique, mais intelligemment renouvelé. C’est un véritable plaisir de lecture de découvrir comment une bande de gosses affronte des créatures des contes de l’enfance comme le croquemitaine, des monstres issus de l’imaginaire satanique, ou de celui tout aussi fourni de l’auteur, d’une main géante à la bouche pleine de crocs sur la paume à une féroce bête qui hante les bois à heure fixe.
Pas de temps mort, beaucoup d’actions, de l’émotion et un humour bienveillant omniprésent ponctuent cette bande dessinée haletante portée par un dessin simple et très efficace ; notamment pour créer une ambiance nocturne surprenante, entre peurs de l’enfance et émerveillement à découvrir le monde de l’invisible.
Comme nous le signalons plus tôt, « Le Collège noir » inaugure le label Grafiteen des éditions Milan, à destination des préadolescents de 11 à 14 ans. Grafiteen propose des bandes dessinées, mais aussi des romans illustrés. Christophe Tranchant s’explique ainsi sur sa création : « Avec Grafiteen, nous faisons le pari d’une nouvelle génération de lecteurs, biberonnés à l’image, habitués à interagir, un pied dans le réel, un pied dans le virtuel, mais plus que jamais demandeurs de fiction. Le pari de leur offrir un dialogue inédit entre textes et illustrations, de revisiter les codes littéraires et de porter des séries et héros à leur image. Le pari d’un imaginaire sans frontière ».
Vous trouverez des conseils de lecture, des vidéos, mais aussi des jeux et des goodies sur le site de ce nouvel espace éditorial : www.grafiteen.com.
Signalons, dès aujourd’hui, trois autres ouvrages de cette collection, aux qualités certaines. Pour des lecteurs plus jeunes que ceux du « Collège noir », nous conseillons la bande dessinée « Hilo T1 : Le Garçon qui s’est écrasé sur Terre ».
C’est un beau récit d’initiation autour d’une amitié improbable entre Daniel, un jeune garçon timide et Hilo, un garçon amnésique, mais toujours souriant et optimiste qui se révèle être un robot, arrivé sur terre avec des ennemis pas très sympathiques !
Deux beaux romans illustrés complètent la première offre de Grafiteen :
- « Les Beaux gosses de l’apocalypse », un roman amusant au style fluide sur une invasion de zombies dans la petite ville de Jack, un garçon solitaire qui a des idées, du courage et qui se fait des amis pour pouvoir être le héros de ce « survival ».
- « Warren 13, Livre 1 », un récit mystérieux, bien construit aux superbes illustrations en bichromie qui narre l’expérience étonnante du jeune Warren, seul héritier d’un hôtel qui renferme un objet magique, une tante machiavélique et une prophétie… tout un programme !
Nul doute que la prochaine livraison de Grafiteen nous offrira des livres de la même qualité. D’ici là, et dès la semaine prochaine, je vous entretiendrai de la vie de l’un des plus fameux chevaliers de la Table ronde : Perceval le Gallois.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Le Collège noir T1 : Le Livre de la lune » par Ulysse Malassagne
Éditions Milan — Grafiteen (11,50 €) – ISBN : 978-2-7459-8407-4
« Hilo T1 : Le Garçon qui s’est écrasé sur Terre » par Judd Winnick
Éditions Milan — Grafiteen (11,50 €) – ISBN : 978-2-7459-7898-1
« Warren 13 T1 : L’Œil-qui-voit-tout » par Will Staehle et Tania Del Rio
Éditions Milan — Grafiteen (14,90 €) – ISBN : 978-2-7459-7774-8
« Les Beaux Gosses de l’Apocalypse » par Douglas Holgate et Max Brallier
Éditions Milan — Grafiteen (13,50 €) – ISBN : 978-2-7459-7826-4
Le Collège noir d’Ulysse Malassagne vient de recevoir le Prix des collégiens au festival d’Angoulême. Prix amplement mérité, selon nous.