C’est en 1952 que le marsupilami apparait pour le première fois sous la plume d’André Franquin, dans « Spirou et les Héritiers ». Son nom est un amalgame de trois mots : marsupial – pilou-pilou (ou Jeep, un animal qui vient de la quatrième dimension dans les albums de « Popeye ») – ami. Il a vécu depuis de nombreuses aventures que ce soit avec Spirou et Fantasio ou dans sa propre série. Après Zidrou et Franck Pé, ainsi que l’auteur allemand Flix, c’est au tour de Lewis Trondheim et Alexis Nesme de partir à la recherche des aïeuls de l’animal créé par Franquin. Dans « El Diablo », les conquistadors découvrent, à leur dépens, ce remarquable grimpeur dans la forêt de Palombie
Lire la suite...Truffaut, l’homme qui aimait les films…
Cinéaste majeur de la Nouvelle Vague, François Truffaut (1932–1984) aura marqué toute une génération, tant par son regard autobiographique sur le 7e art que par sa défense engagée de la « politique des auteurs ». Autant dire que la collection 9 ½ (dont le nom évoque à la fois l’un des plus grands films traitant du cinéma (« 8 ½ » de Federico Fellini) et le 9e art), débutée en avril 2019 avec « Sergio Leone » et « Lino Ventura », ne pouvait pas faire l’impasse sur l’ancien protégé d’Henri Langlois devenu le secrétaire d’André Bazin : l’histoire nostalgique d’un homme qui, des « Quatre Cents Coups » au « Dernier Métro » en passant par « Jules et Jim », aimait autant le cinéma français… que les femmes.
Non loin de la tour Eiffel, dans une ambiance automnale, le regard d’un homme d’âge mûr suit les jambes d’une femme habillée à la manière des années 1970. Volontiers provocatrice au temps du mouvement #Metoo, avec son monument phallique et son érotisme suggéré, la couverture témoigne essentiellement du rapport parfois ambigu entretenu entre un réalisateur et ses actrices, Truffaut n’étant ni le premier ni le dernier à être tombé amoureux de ses muses. Au fil des 170 pages de cet album, le lecteur retrouvera donc avec plaisir les visages de celles qui partagèrent – de près ou de loin – la vie de Truffaut, pour le meilleur ou le pire : citons ici Madeleine Morgenstern (épousée en 1957, le mariage tiendra cinq ans), Marie-France Pisier, Françoise Dorléac, Catherine Deneuve, Claude Jade, Jacqueline Bisset ou Fanny Ardant. Lorsque Truffaut (affecté d’une tumeur au cerveau) s’éteint à 52 ans le 21 octobre 1984, quelques mots ironiques de Sartre seront gravés à sa demande sur sa tombe : « Tout homme qui se sent indispensable est un salaud ! »
Traité dans un style ligne claire par Marek, l’album débute à Paris en 1981 avec la consécration de Truffaut lors de la 6e cérémonie des César : « Le Dernier Métro » remporte dix César, dont ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et des meilleurs acteurs (pour Gérard Depardieu et Catherine Deneuve). Tout un symbole, quand on sait que le film, qui se déroule pendant l’Occupation, renvoie à la jeunesse de François, lorsque celui-ci se prend de passion pour le cinéma, mentant par exemple à ses parents pour aller voir « Les Visiteurs du soir » (Marcel Carné, 1942). Rejeté par sa mère (Janine de Monferrand) et son beau-père (Roland Truffaut, qui reconnaît l’enfant), de santé chancelante, François passera de longs week-ends et Noëls seuls, dans un petit trois-pièces situé au pied de Montmartre. Alors, entre lectures et films (jusqu’à trois par jour), le jeune Truffaut meuble sa pénible existence. À 12 ans, découvrant par hasard (dans le livret de famille) les secrets de sa naissance, Truffaut encaisse le coup : il racontera plus tard ses blessures via le personnage d’Antoine Doinel (incarné par Jean-Pierre Léaud) dans « Les Quatre Cents Coups », film récompensé par le prix de la mise en scène à Cannes en 1959. Un scandale pour ses parents, choqués par « tant d’ingratitude » ! Truffaut poursuivra cependant avec Doinel dans « L’Amour à 20 ans » (1962), « Baisers volés » (1968), « Domicile conjugal » (1970) et « L’Amour en fuite » (1979). Cherchant des pères de substitution, Truffaut le trouve notamment avec le critique André Bazin, rencontré en 1949. Asocial, endetté, enfermé dans un centre pour mineurs délinquants, souffrant de syphilis et de dépit amoureux, déserteur, Truffaut tente de suicider en 1950, avant d’être envoyé en institut psychiatrique en 1951. À partir de 1953, se reconstruisant chez les Bazin, Truffaut intègre néanmoins la rédaction des Cahiers du cinéma (créés en 1951), aux côtés d’autres futurs cinéastes nommés Jean-Luc Godard, Éric Rohmer, Jacques Rivette et Claude Chabrol…
Conjuguant plusieurs époques, à savoir le présent des années 1980 et les souvenirs de Truffaut liés à l’autobiographie désirée par son très proche ami Robert Lachenay (également critique et réalisateur), le scénario brasse les temps forts et les anecdotes avec grand talent : l’on se souviendra longtemps de Chabrol et Truffaut se gelant accidentellement les pieds en tentant d’aller interviewer Hitchcock en janvier 1955 ! Et puis les actrices et les femmes, omniprésentes telles que nous l’avons dit chez Truffaut, sous l’influence de Jean Renoir et des intrigues hitchcockiennes : menant l’action, en quête d’amour, confrontés à des personnages souvent fragiles ou maladroits, et bien loin du stéréotype des ravissantes idiotes. C’est Catherine (Jeanne Moreau) aimant autant Jules que Jim, c’est Julie (encore Jeanne Moreau) cherchant à venger le meurtre de son époux dans « La Mariée était en noir » (1968) ou Marion (Catherine Deneuve) prenant la charge du théâtre de son mari juif caché dans la cave (« Le Dernier Métro »). En 1958 déjà, Truffaut écrivait : « Le cinéma est un art de la femme, c’est à dire de l’actrice. Le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes. »
Saisi entre échecs et succès, éros et thanatos, Truffaut innove, expérimente, se bat politiquement (il milite ainsi en 1967 contre la maltraitance des enfants (voir aussi « L’Enfant sauvage » en 1969), en 1968 pour Langlois comme directeur de la Cinémathèque française et en 1971 pour la dépénalisation de l’IVG), apparaît dans « Rencontre du troisième type » en 1977 (Spielberg est un fan !) et offre des rôles en or à ses acteurs fétiches (outre celles et ceux déjà évoqués, citons encore Nathalie Baye, Jean-François Stévenin, Bernadette Lafont ou Jean-Claude Brialy). Complexe, Truffaut est pour ainsi dire un film d’auteur à lui tout seul, auquel l’ouvrage rend un bel hommage graphique.
Philippe TOMBLAINE
« François Truffaut » par Marek et Noël Simsolo
Éditions Glénat (22,00 €) – EAN : 978-2344027059
n’y a-t-il pas confusion entre le critique André Bazin et le romancier Hervé Bazin ?
Mais si (pas faute pourtant d’avoir évité de faire cette confusion….) ! Merci de votre relecture attentive.