La maison d’édition belge Kalopsia entreprend de rééditer les deux premiers volumes d’une série publiée en 2014 et 2016, puis abandonnée par Glénat : « Ennemis de sang ». Kalopsia en profite pour publier un tome 3 inédit, avant de clore la série par un tome 4. Francis Carin et David Caryn signent dessins et couleurs sur un scénario de Francis : l’occasion, donc, de redécouvrir cette saga familiale et voyageuse…
Lire la suite...Hyènes et oiseaux ne s’en laissent pas conter…
Deux albums sortent simultanément et nous renvoient à un genre qui ne néglige pas le voyage, loin de là . D’un côté, « Le Repas des hyènes » qui se situe en Afrique, celle des croyances ancestrales et des histoires animalières de toujours ; de l’autre, « Le Roi des oiseaux » avec le folklore russe et sa galerie d’esprits en tous genres. Particularité commune à ces deux titres remarquables : ils sont extrêmement colorés et pas particulièrement réservés aux enfants…
Aurélien Ducoudray choisit de revisiter la mythologie africaine à travers le destin de frères jumeaux, Kubé et Kana. Le premier, né le premier, a le privilège d’accompagner son père au repas rituel des hyènes. C’est lui qui sera initié, pas son frère. Kana, écarté, décide cependant d’y assister. Sa présence perturbe malheureusement la cérémonie et réveille l’esprit d’un Yéban. Le Yéban est un esprit, coincé entre la vie et la mort, qui a besoin d’un vaisseau pour voyager…
Quel rapport avec les hyènes ? C’est très simple, leurs rires épouvantables « empêchent les morts de se reposer assez longtemps pour que leur esprit fasse le long voyage. » Pour autant, comment nourrir les hyènes sans se faire manger ? C’est l’occasion de découvrir à quoi servent, ici, les masques et de participer à ce repas fait de cris, de grimaces et d’angoisses car l’une des hyènes exige un guide pour « voyager ». Dès lors,  tout se complique et Kana, qui n’a pas sa langue dans sa poche, se voit contraint d’accompagner la bête pour un parcours semé d’embûches et de rencontres.
Mélanie Allag, réalisant dessin et couleurs, joue la carte du spectacle et du rêve. D’un désert de cailloux (dont certains sont des trônes royaux) jusqu’à une scène d’initiation surréaliste, en passant par des pots de baobabs endiablés et vengeurs, de jolies Amazones ou des dieux épouvantables, le périple fantastique se fait non sans humour et quelques questions fondamentales sur la société.
De son côté Alexander Utkin s’empare de la mythologie slave. La narratrice de son album s’appelle Gamaïoun. C’est un oiseau magique à tête humaine qui sait tout du passé ou de l’avenir. L’histoire qu’elle nous raconte commence avec une pomme (et rien à voir avec Adam et Ève !), une pomme d’un arbre appartenant à une princesse guerrière, autant dire une pomme très particulière. Jusque-là , c’est un problème d’humains, mais la fameuse pomme a roulé à terre jusqu’au territoire où oiseaux et animaux terrestres se partagent tout équitablement. En décidant de manger seule la pomme, une souris déclenche la colère d’un oiseau qui s’en remet au roi des animaux, lion évidemment. La guerre est déclarée.
Dès lors une galerie de personnages s’agite sous nos yeux, notamment un marchand qui ne supporte plus que oiseaux et animaux de la forêt pillent les réserves naturelles. Il part les chasser et va finalement s’absenter de longues années, embarqué par des combats et des enjeux qui le dépassent. Puis son fils prend le relai pour de nouvelles joutes infernales.
Le spectacle, là encore, est exceptionnel. Alexander Utkin mise lui aussi sur la couleur plus que sur le trait pour créer ces univers qui virent au fantastique, au fabuleux. On découvre ainsi les royaumes de cuivre, d’argent et d’or avec à chaque fois des femmes aussi éblouissantes que maléfiques, sans oublier une galerie de personnages pittoresques (les femmes cigognes) ou épouvantables (un escadron de crabes, par exemple). Au bilan, un récit d’aventures à tiroirs de 172 pages aux couleurs fascinantes qu’on ne saurait là encore ne pas réserver qu’aux enfants !
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Le Repas des hyènes » par Mélanie Allag et Aurélien Ducoudray
Èditions Delcourt (17, 50 €) – EAN : 9782413002116
« Le Roi des oiseaux » par Alexander Utkin
Èditions Gallimard (21 €) EAN : 9782075139854
Vous avez oublié de préciser que « le repas des hyènes » fait partie de la collection Mirages, et que la dite collection regorge déjà de bouquins remarquables, inventifs et éclectiques!