Un superbe écrin pour l’intégrale, en un récit complet, de « Messire Guillaume » …

De 2006 à 2009, paraissent les trois volumes d’un conte médiéval surprenant. « Messire Guillaume » séduit un large lectorat qui (re)tombe sous le charme – dès 2010 – d’une première intégrale en noir et blanc dans un petit format à l’italienne. 13 ans plus tard, une nouvelle intégrale nous est proposée dans un grand format en couleurs (avec quelques images supplémentaires pour faciliter la narration), utilement complétée par un entretien inédit avec les deux auteurs.

 

Nous sommes au cœur du Moyen Âge, sans doute durant la terrible guerre de 100 ans qui ravage le royaume de France aux XIVe et XVe siècles. La famille noble de Saunhac est endeuillée. Le père est mort dans des circonstances troubles, laissant une veuve épleurée et deux orphelins adolescents.

La jeune fille, Hélis, s’est enfuit après que sa mère ait accepté une nouvelle union avec le bailly : messire de Brifaut. Celui-ci envoie ses hommes à sa recherche, ce qui retarde le déménagement de la famille recomposée vers le château da la seigneurie détenu par le grand-père des enfants. Pendant ce temps, le jeune Guillaume hésite : son devoir est-il de suivre sa mère ou de rechercher sa sœur ? D’autant que celle-ci lui a affirmé que leur père était toujours vivant. Après s’être recueilli sur sa tombe, son choix est fait. Il remplit sa besace d’ingrédients médicinaux pris dans le laboratoire de son père féru d’herboristerie, puis part seul à la poursuite de son ainée et, pourquoi pas, de son père ?

« Messire Guillaume : récit complet » page 5.

La campagne environnante est ravagée par des bandes de routiers sans foi ni loi. Guillaume assiste impuissant au massacre de villageois. Il est surpris par un étrange cavalier, alors qu’il cherchait de la nourriture dans une masure désertée.

Le chevalier de Brabançon décide de l’escorter jusqu’à la demeure d’Ysane : sa tante un peu magicienne. Comme le rude combattant tombe sous son charme, il décide de protéger le candide Guillaume dans la suite de sa quête vers le Pays de vérité, où règne le prêtre Jean.

C’est là qu’il doit retrouver l’âme de son père, ainsi qu’Hélis qui, il le suppose, suit le même trajet. Le voyage est difficile, la vie de Guillaume constamment menacée par des mercenaires stipendiés par son beau-père ou des créatures fantastiques, comme celles qui peuplent les manuscrits médiévaux : hommes à tête de chien, anencéphale ou homme sans tête, voire des griffons : lions gigantesques à tête d’aigle.

Nous avions pris beaucoup de plaisir à découvrir la quête initiatique du jeune Guillaume dans les trois volumes parus entre 2006 et 2009. Plaisir renouvelé avec une superbe intégrale en noir et blanc publiée en 2010. Celle-ci valorise le dessin réaliste, précis et efficace de Matthieu Bonhomme qui joue à la perfection du crayonné non encré pour modeler ou suggérer. Pour qui aime le crayon de papier, cet album est un vrai régal. Le récit complet de l’automne 2023 retrouve les couleurs originales avec l’addition de quelques images supplémentaires facilitant la narration et d’un long entretien, joliment illustré, mené par Morgan Di Salvia en juillet 2022.  Les auteurs confient ici des secrets de fabrication de cette série marquante des années 2000.

Le chevalier de Brabançon et le jeune Guillaume...

Ainsi Gwen de Bonneval avoue la part autobiographique de ce récit d’initiation sur l’acceptation du deuil et la fin de l’enfance :

« Beaucoup de choses sont inspirées de mon existence. Il me semblait essentiel de dire des choses profondes sur soi. Mais cette démarche n’était pas gratuite, elle collait tout à fait au récit d’aventure que j’avais en tête. Je trouvais plein de liens, je me suis laissé aller à un déroulé autobiographique et je l’ai traduit en aventure. Ce n’est pas une pure adaptation de ma vie, mais les personnages sont largement inspirés de ma propre histoire. L’absence du père… le déménagement… Mon père n’était pas mort, juste absent et… herboriste.

La mère de Guillaume qui part avec quelqu’un de potentiellement dangereux, c’est aussi puisé dans mon histoire personnelle. J’ai également une grande sœur avec laquelle j’avais un rapport très fort. Dans l’histoire, elle disparait. Dans ma vie, elle suit mon père. Moi, je vais à la recherche du père, à travers le personnage de ma sœur. »

Matthieu Bonhomme lui évoque dans cet entretien son travail graphique sur la trilogie : « C’était intéressant de faire un mélange de grande aventure et de choses très personnelles. Je me suis amusé à dessiner ce récit. Mon plus grand plaisir, c’était le duo que formait Guillaume avec sa chèvre. C’était une variation sur Tintin et Milou ou Pirlouit et Blanquette ! Évidemment j’ai aimé dessiner le chevalier, et encore plus les monstres. Savoir que j’allais devoir sortir de ma zone de confort pour dessiner des éléments puisés dans l’imaginaire du moyen-âge… c’était emballant. Montrer un bestiaire jamais vu ou presque, c’était un sacré défi. Notre idée, c’était de faire comme si notre bande dessinée était parue en l’an 1200. On voulait dessiner une représentation réelle ou réaliste de ce que les habitants du Moyen Âge imaginaient. »

Rencontre avec un anencéphale ou homme sans tête...

« Messire Guillaume : récit complet » est une œuvre riche et profonde : un conte médiéval teinté de fantastique et de psychanalyse porté par un dessin précis, inspiré aux meilleures sources médiévales. De quoi satisfaire un vaste lectorat ; de jeunes lecteurs happés par les aventures de Guillaume aux lecteurs moins jeunes fascinés par un univers graphique médiéval évocateur et des thématiques universelles sur la famille, le travail de deuil et de reconstruction ou sur l’affranchissement nécessaire de l’image paternelle pour tout adolescent.

« Messire Guillaume : récit complet » page 85.

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Laurent LESSOUS (l@bd)

« Messire Guillaume : récit complet » par Matthieu Bonhomme et Gwen de Bonneval

Éditions Dupuis (35,00 €) – EAN :  978-2-8085-0078-4

Parution 17 novembre 2022


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