Chroniques de l’abolition… à La Réunion

C’est le 20 décembre 1848 qu’est décrété, dans l’île de La Réunion (où l’on abandonne alors le nom d’île Bourbon), la fin de l’esclavage : ce qui concerne 60 000 personnes. De fait, quelles sont les conséquences pour les populations libérées et comment le travail peut-il désormais s’organiser pour les riches propriétaires ? C’est à ces questions que répond l’album « Vingt Décembre », qui parle aussi beaucoup de vanille…

Pour le scénariste Apollo qui vit depuis son enfance à La Réunion et pour Tehem, né de parents réunionnais et qui y a vécu de nombreuse années, l’histoire de leur île reste incontournable. Ils ont par exemple évoqué la Seconde Guerre mondiale dans l’île avec « Chroniques du léopard » (commenté ici-même). Et ils sont loin d’en avoir fait le tour.

Leur nouveau titre est centré sur un personnage essentiel de l’histoire de l’île : Edmond Albius. Ce jeune esclave a découvert, à 12 ans !, comment procéder à la fécondation de la vanille. Ce qui va faire la fortune des gros propriétaires ; mais, évidemment, pas la sienne ! Cela donnera tout de même une notoriété à ce cafre – ou kaf, comme on désigne là-bas ceux qui ont la peau noire ou qui sont originaires du sud de l’Afrique -, mais ni la richesse, ni la liberté ! Edmond reste esclave et illettré… jusqu’en 1848 !

Dans un récit vivant, dynamique, pittoresque, documenté et romanesque – on n’en finirait pas de lui aligner des adjectifs qualitatifs –, les auteurs brossent la vie des populations esclaves avant et après cette date, fatidique pour les uns, bienheureuse pour les autres. Les premiers ne sont pas revenus de ce commissaire de la République, Sarda-Garriga, arrivé sur île pour abolir officiellement l’esclavage. Du côté de Saint-Louis, des rebelles pourtant s’agitent, des créoles blancs (les « petits blancs » ou yab) qui se retrouvent en difficulté avec la disparition de l’esclavage et s’inquiètent pour ces les « terres du haut » qu’ils ont colonisées.

Bien entendu, en fil rouge, les auteurs continuent d’évoquer le destin d’Edmond Albius qu’on ne quitte guère des yeux. Lui, qui voulait s’appeler Pamphile et Mélise (prénoms de ses parents), se voit attribuer par les autorités, sans discuter, ce nom d’Albius Edmond ! Comme pour beaucoup de « nouveaux libres », la vie n’est pas évidente. « À la misère du camp d’esclaves succédait la misère des faubourgs », car les riches font venir des Indes des travailleurs pour les remplacer, dans des conditions d’ailleurs quasi-esclavagistes.

L’ouvrage est complété d’un « Journal de l’album » qui évoque la journée du 20 décembre, Joseph Sarda-Garriga, Emond Albius ou les immigrés exploités d’origine indienne, mais également la bande dessinée réunionnaise à travers « La Lanterne magique » : une publication illustrée publiée en 1848 qui fait de son auteur, Potémont, un « précurseur de la bande dessinée ».

Didier QUELLA-GUYOT

Sur BDZOOM : http://bdzoom.com/author/DidierQG/

Sur L@BD :  https://basenationalelabd.esidoc.fr, et sur Facebook.

« Vingt Décembre : chroniques de l’abolition » par Tehem et Appollo

Éditions Dargaud (21,50 €) – EAN : 9782205200935

Parution 5 janvier 2024

 

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