Olivier Grenson (« La Douceur de l’enfer ») : Entre gris clair et gris foncé …

Le dessinateur de « Niklos Koda » clôt, aujourd’hui, son diptyque mettant en scène les retrouvailles d’un grand père et de son petit fils sur fond de guerre de Corée, de séparation du pays entre le Nord et le Sud et de lourds secrets familiaux.

« En 2004, je me suis rendu en Corée du sud à l’occasion d’une exposition consacrée à la bande dessinée belge. Au cours de ce voyage, j’ai eu l’occasion d’aller sur la DMZ, une zone où la frontière entre les deux Corée n’est que marquée au sol pour permettre les échanges et négociations. C’est à ce moment que j’ai commencé mes croquis en imaginant un personnage caché, issu de l’occident, qui vivrait en Corée du nord, une sorte de fantôme qui ressurgirait du passé. Un peu après, en me documentant, j’ai appris que des transfuges américains, anciens soldats,  avaient passé cette frontière dans les années 60. Mon projet devenait très cohérent. »

Olivier Grenson imagine alors un récit en deux parties, même s’il songe à l’origine n’en faire qu’un unique album, relatant l’histoire d’un soldat américain que tout le monde croit mort durant la guerre de Corée et qui se retrouve, des années plus tard, face à face avec son petit fils, une fois la supercherie révélée. Une confrontation à huis clos – « un vrai challenge en termes d’unité de temps et de lieu » – qui fait l’objet de ce remarquable second volet, riche en révélations, passions et émotions : « j’ai eu un plaisir infini à construire cette histoire, nous révèle l’auteur, et son coté romanesque. Je savais que l’essence même de ce récit résidait dans cette rencontre, seule façon de révéler les secrets de mes personnages et seule occasion d’aborder le sujet de la transmission, ainsi que celui du destin lié à la filiation. Je pense en particulier à ce que nous sommes et ce qui nous construit et à la thématique que notre destin est influencé par ceux qui nous ont précédés.»

« La Douceur de l’enfer » est la première fiction dessinée d’Olivier Grenson, dont les qualités graphiques ne sont plus à démontrer, en solo : « J’ai envie d’écrire depuis que j’ai commencé à travailler dans la bande dessinée, nous confie-t-il.  Pas pour prouver que je suis un « auteur complet », mais simplement parce que pour moi faire de la BD, c’est aussi raconter des histoires. Au début de ma carrière, j’ai proposé quelques synopsis à divers éditeurs, qui ont tous été refusés, puis j’ai eu la chance de pouvoir m’appuyer sur Michel Oleffe (« Carland Cross ») ou Jean Dufaux (« Niklos Koda ») pour exister graphiquement. Cette dimension acquise m’a donné de la légitimité pour avancer sur mes propres projets et permit  de  les faire accepter. »

La douceur et l’enfer sont deux termes qui pourraient paraitre antagonistes mais qui correspondent bien à l’atmosphère générale d’un récit où l’acceptation supplante la rédemption : « ce n’est ni noir, ni blanc, nous explique le dessinateur de « Niklos Koda », mais plutôt une cohabitation entre ces deux teintes. Tout est, en permanence, remis en question. C’est une cohabitation. On peut être en enfer et chercher la lumière, c’est ce que vit le grand père du personnage principal qui se retrouve dans cet environnement dingue qu’est la Corée du nord et qui, pourtant, trouve des ressources d’espoir avec l’amour qu’il porte à la jeune fille qui l’a sauvé. Rien n’est défini par avance, tout est à construire en permanence. Un autre exemple est la présence du feu, destructeur dans le récit mais aussi purificateur, quand Billy Summer, le personnage principal, brûle la photo de sa grand mère et de son grand père, libérant symboliquement ce dernier du poids du passé . » Et de poursuivre en expliquant  la cohérence du diptyque : « Ce second volet ne fonctionne que grâce au premier », nous dit le dessinateur de « Carland Cross. « Tout ce qu’on trouve dans le tome deux est en résonnance avec le tome 1. Par exemple le petit garçon qui dessine au sol – ce que je faisais dans mon enfance, en l’occurrence – au début de l’histoire est mis en reflet avec le grand père coréen qui fait la même chose pour se faire comprendre, à la fin du récit. »

Laurent TURPIN

« La Douceur de l’enfer » T2 par Olivier Grenson

Éditions Le Lombard – Collection « Signé » – ISBN 978-2-8036-3057-8

Voir aussi la chronique du tome 1 par Gilles Ratier « La Douceur de l’enfer » T1

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