Disparu il y a déjà sept ans, René Pétillon — bien connu pour ses dessins d’humour dans Le Canard enchaîné, mais aussi pour son inénarrable détective Jack Palmer dont l’enquête corse a notamment fait parler de lui, car adaptée au cinéma — (1) avait travaillé, depuis 2008, sur ce scénario quasiment achevé. Bien qu’il en ait également assuré partiellement le découpage et les crayonnés (donc, il ne restait pratiquement plus qu’à dessiner l’album), il avait abandonné cet ultime projet pour différentes raisons, dont la nécessité d’honorer d’autres entreprises en cours. C’est le célèbre Manu Larcenet (2), récemment auréolé de son adaptation de « La Route », qui a été approché pour s’approprier l’histoire, la terminer et la mettre en images : un très bon choix !
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N’en déplaise aux admirateurs de sa retranscription fidèle de la guerre des tranchées, Tardi n’est jamais aussi bon que quand il dessine Paris !
Ça tombe bien car, pour l’adaptation de ce qui est sans doute le meilleur livre de Jean-Patrick Manchette, son dernier également puisque « La Princesse du sang » (récemment mis en images par Max Cabanes) reste une œuvre inachevée, il nous promène dans divers arrondissements de la capitale, utilisant à merveille des décors datés fin des années soixante-dix !
Martin Terrier est un tueur à gages qui a décidé de raccrocher et de retrouver son amour de jeunesse ; mais cet ancien mercenaire n’échappera pas aux griffes de ces employeurs et va devenir ce qu’il cherchait à fuir depuis l’enfance : l’ombre de son père tant haï, bref, la copie d’un médiocre…
Dans la version définitive de son ultime polar, en 1982, Manchette était donc parti d’un sujet plutôt banal, mais y avait installé un style littéraire provoquant qui bousculait, alors, les habitudes classiques de la narration, tout en réussissant à imposer un personnage complexe : un perdant fatalement seul. Récit extrêmement violent et pessimiste, « La Position du tireur couché » va même secouer toute une nouvelle génération de lecteurs de romans policiers habituée à une écriture fluide amenant, irrémédiablement, une fin implacable. Et Tardi, tout en respectant à la lettre le texte original, en rajoute sur le plan de l’oppression avec des images qui mélangent habilement froideur et lyrisme : son trait nerveux, et de plus en plus épuré, semblant être complètement au service de ce récit ultra-rapide !
D’ailleurs, si Tardi est très fort pour illuminer les ambiances parisiennes, il est aussi particulièrement à l’aise quand il adapte des romans : que ça soit ceux de Léo Malet, de Jean Vautrin, de Daniel Pennac, de Didier Daeninckx, de Pierre Siniac, de Géo-Charles Véran (le trop peu connu et pourtant excellent « Jeux pour mourir ») ou de Jean-Patrick Manchette, dont il avait déjà illustré deux scénarios (« Griffu » et « Fatale » qui ne vit malheureusement pas le jour) et réalisé la mise en cases du « Petit bleu de la côte ouest », en attendant celle de « Nada » qu’il est en train de dessiner.
Alors, évidemment, avec tous ces atouts en main, « La Position du tireur couché » ne nous laisse aucun répit et s’impose, d’emblée, comme l’un des meilleurs polars en bande dessinée de ces dernières années !
Gilles RATIER
« La Position du tireur couché » par Jacques Tardi, d’après Jean-Patrick Manchette
Éditions Futuropolis (19 Euros)