Montre ton amour, ça ne va pas te tuer !

Non, ce manga ne raconte pas l’histoire d’amour d’une adolescente avec son professeur qui vit dans le même immeuble qu’elle. Non, ce manga n’est pas aussi basique et futile qu’il en a l’air. Non, les rapports humains ne se résument pas à la rencontre facile d’un homme et d’une femme qui succombe forcément à ses charmes. Non, la conclusion de cette histoire n’est pas triste, ni son début ni son milieu. Il faut chercher plus loin que les clichés : apprécier cette tranche de vie qui passe inéluctablement et en tirer ses propres observations. « Show Me Love » pourrait être un manga feel good, c’est surtout un miroir de nos propres manques.

Nami vient d’emménager dans une nouvelle résidence impersonnelle. Bien sûr, cela ne respire pas le luxe, mais elle s’attendait quand même à ce que la douche fonctionne. En essayant de trouver de l’aide chez ses voisins, elle tombe sur l’un de ses professeurs. Celui-ci est loin d’être ravi de cette coïncidence. Habiter le même immeuble que l’une de ses élèves, cela pourrait faire jaser si l’on apprenait ça. Néanmoins, Nami tombe à point nommé, puisque le fils, que cet homme a eu avec une femme qui l’a quitté pour un nouveau conjoint autoritaire, débarque à l’improviste, alors que son devoir de professeur l’appel ailleurs. Amy en profite pour s’incruster en proposant de surveiller ce petit garçon fugueur. Ce qui va lui permettre, par la même occasion, de prendre sa douche tant désirée.

En lisant un résumé tel que celui-ci, le lecteur s’attend immanquablement à ce que le beau professeur succombe au charme de sa jouvencelle élève. Mais non, l’histoire n’est pas aussi simple que ça. C’est avant tout la rencontre de trois êtres un peu perdus dans leur vie : Nami qui vient de déménager avec sa mère dans un appartement sans charme à la suite du départ de son père ; M. Nagakawa, un jeune professeur vivant seul et chichement ; ainsi que son fils, Kenta, qui cherche désespérément un peu de reconnaissance. C’est de cette reconnaissance qu’il est question dans le titre  : « Show me love ». Il est question ici de l’amour que l’on doit démontrer à sa famille et ses amis, celui qui peut être quotidiennement remis en question à chaque instant. C’est cet amour que l’on ressent à la suite de ses actes, parfois insignifiants, mais toujours pleins de sens dans sa vie de tous les jours.


Ces deux enfants, Nami comme Kenta, manquent clairement de cette reconnaissance. Tous deux se sentent abandonnés par leurs pères, et leurs mères semblent absentes, malgré leur présence physique. Même si ce sont des cas extrêmement différents, le résultat est le même, ce qui les rapproche. Le lecteur suit donc cette complicité naissance qui s’opère entre l’adolescente et le garçonnet. Cette histoire n’a pas d’introduction fracassante ou de conclusion sensationnelle : c’est juste un passage marquant de la vie de Nami. Un moment ou trois êtres qui n’étaient pas amenés à se rencontrer se sont épaulés pour affronter leurs propres destins.

La couverture, aux tons chauds contraste avec le visage maussade de la jeune étudiante que l’on découvre pour la première fois ici. Elle semble être sur le départ avec son gros sac et son regard triste et perdu. Devant elle, un jeune garçon, également avec un sac : il semble se rendre à l’école. Devant, se tient un homme, dont on ne sait rien : il s’éloigne sans se retourner. Bien sûr, cette image est là pour interpeller le futur lecteur qui a hâte de découvrir le drame qui se cache derrière ces comportements étranges. Déjà, on apprend rapidement que l’héroïne n’a aucun lien avec les deux autres personnages, contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer. Et c’est là que réside la force de cette histoire, elle casse les clichés pour renforcer le dialogue. Le propos, qui pourrait être sombre, est adouci par le trait de l’autrice : Ami Fushimi. Avec ses belles courbes et son tracé fluide qui laisse énormément d’espace aux blancs, le dessin est agréable et apaisant. L’humeur des personnages est de ce fait extrêmement bien rendue.

« Show Me Love » est un excellent manga où l(on voit l’évolution d’une jeune fille désabusée qui se prend, par hasard, d’amitié pour le fils de l’un de ses professeurs. De fil en aiguille, ils vont tous trois réapprendre à aimer la vie telle qu’elle se présente et peu à peu reprendre confiance en soi. Seul regret, c’est un volume unique : au lecteur d’apprécier cet instant, sans savoir ce que deviendront toutes ces personnes éphémères.

Gwenaël JACQUET

« Show Me Love » par Fushimi Ami
Éditions Akata (8,05 €) – ISBN : 2369747420

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