Burkina Faso, Rwanda…

Depuis quelques mois, l’actualité africaine semble révéler sous ses diverses formes la volonté pour les états (ou les coups d’état) de retrouver l’indépendance : bref, de se décoloniser. Cela n’est pourtant pas nouveau, et la biographie consacrée à Thomas Sankara le montre bien. De son côté, l’album « Rwanda : à la poursuite des génocidaires » revient sur l’extermination abominable des Tutsis par les Hutus, à travers le portrait d’un couple français étonnant…

À l’heure où l’Afrique est ici et là fortement secouée, l’album « Thomas Sankara : rebelle visionnaire », est d’un grand intérêt, d’autant que la réalisation graphique très efficace, signée Pat Mansioni, rend sa lecture très agréable. L’album revient sur le parcours de cet homme qui transforme la Haute-Volta en Burkina Faso et impose à son pays, entre 1983 et 1987, une révolution administrative et culturelle incroyables, et « à marche forcée » tant l’homme n’entend pas tergiverser pour moderniser et changer les mentalités. La tâche est immense et il veut faire vite !

À l’issue d’un soulèvement populaire mâtiné d’un coup d’état, Sankara s’empare du pouvoir à 33 ans, alors plus jeune président du monde. Sa volonté est dès lors de lutter contre la corruption et contre la pauvreté de son pays indépendant depuis 1960, où les nantis n’ont pas changé leurs habitudes précoloniales. De fait, il impose à ses ministres des pratiques ordinaires, loin des limousines de luxe et des vols en classe affaires.

Pour faire évoluer tout cela, il faut décoloniser les esprits, décoloniser les mentalités, ce qui n’est pas une mince affaire. Il compte aussi sur les femmes dont il a conscience que les traditions séculaires en ont fait des bêtes de somme. Il réussit aussi à faire vacciner en masse les enfants, entreprend une politique de grands travaux (chemin de fer, notamment), privilégie une agriculture sans engrais… mais son intransigeance indépendantiste et révolutionnaire et sa lutte pour se passer du luxe occidental ne plait pas à tout le monde. Son ami le plus proche, Blaise Compaoré, devient ainsi son ennemi. Ce dernier le fait assassiner et prend le pouvoir pour 27 années…

Avec « Rwanda : à la poursuite des génocidaires », Thomas Zribi et le dessinateur Damien Roudeau entendent, eux, révéler le combat que mènent depuis des années Alain et Dafroza Gauthier. Ce couple traque les génocidaires réfugiés en France (des centaines, estiment-ils) et se rendent régulièrement au Rwanda pour récolter preuves et témoignages et provoquer quand, c’est possible, des procès. Mais la justice est lente, très lente…

Les faits sont connus : le Rwanda a subi un génocide incroyable avec des centaines de milliers de victimes (et probablement plus d’un million)… « et au moins autant d’assassins » !  En 1994, en effet, le pouvoir hutu décide d’éliminer la population tutsi sous des prétextes racistes qui ne renvoient à rien puisque ces populations partagent « la même langue, la même religion, la même culture, les mêmes coutumes et les mêmes collines ». Cependant, les Tutsi sont des éleveurs et les Hutu, plutôt des cultivateurs.

En entrecroisant témoignages et reportages, en rappelant les sauvageries subies par les Tutsi (décapitations, mutilations, viols et autres barbaries sans nom, les auteurs brossent un tableau sans concession de ces luttes sans merci menée dès les années cinquante, soutenue alors par les Belges. Le génocide est organisé de façon extrêmement élaborée par l’État s’appuyant sur des préfets « chargés de mettre en application les tueries chacun dans sa région » avec l’aide de l’armée, de la gendarmerie, de miliciens et d’une population fanatisée par la propagande exterminatrice relayée sans fin par la Radio des Mille collines. Résultat en 1994 : plus d’un million de morts en 100 jours ! Emmanuel Macron reconnaitra en 2021 « une responsabilité accablante de la France ». Reste qu’Alain et Dafroza Gauthier se retrouvent « seuls à porter la charge d’un tel combat », celui de mener devant la justice des génocidaires qui coulent des jours heureux en France : ce que souligne Gaël Faye dans sa préface à l’ouvrage.

Didier QUELLA-GUYOT ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/

[L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook.

« Thomas Sankara : rebelle visionnaire » par Pat Masioni, Pierre Lepidi et Françoise-Marie Santucci

Éditions Marabulles (23, 95 €) – EAN : 9782501146593

Parution 27 septembre 2023

« Rwanda : à la poursuite des génocidaires » par Damien Roudeau et Thomas Zribi

Éditions Steinkis (24 €) – EAN : 9782365697248

Parution 21 septembre 2023

 

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