Christian de Metter sublime une fois de plus un livre de Pierre Lemaitre, avec sa propre figuration narrative !

L’ultime volet de la trilogie des « Enfants du désastre » en BD, nouvelle adaptation d’un ouvrage de Pierre Lemaitre par Christian de Metter (1) aux éditions Rue de Sèvres, est encore incontournable : bel équilibre entre fidélité au roman et approches différentes. Après « Au revoir là-haut » et « Couleurs de l’incendie », voici donc le copieux (180 pages) et toujours aussi réussi « Miroir de nos peines », lequel nous plonge dans la folie du début du second conflit mondial : une période où, au printemps 1940, la France passe en quelques jours d’une « drôle de guerre » à la panique de la débâcle face à l’armée allemande. Le pays sombre alors dans le chaos, et fait émerger les héros et les salauds ou les menteurs et les lâches… ainsi que quelques hommes de bonne volonté…

L’album démarre en avril 1940, avec une scène choc : Louise Belmont, institutrice qui complète occasionnellement ses fins de mois en tant que serveuse au petit café du coin, court entièrement nue et très affolée dans les rues de Paris. Un docteur d’un certain âge qui la regardait régulièrement — en s’assoyant systématiquement à la même table du troquet où elle travaille, près de la fenêtre — vient de se suicider sous ses yeux. Cherchant à comprendre comment elle a pu se retrouver impliquée dans ce fait divers tragique, cette héroïne — qui n’est autre que la fillette de dix ans qui s’était entichée d’Édouard Péricourt, la gueule cassée d’« Au revoir là-haut » qui logeait chez sa mère dans le 18e — va se laisser entraîner dans le passé de sa conceptrice et découvrira certains secrets de famille, dont un demi-frère caché. 

Comme souvent dans ses romans, Lemaître multiplie les protagonistes pour tresser plusieurs arcs narratifs, avec une remarquable vivacité. Ainsi, la route de Louise croisera, au hasard, les destins de Jules (son patron au cœur énorme), de Raoul (attachant combinard sans scrupule et soldat déserteur emmené en prison), de Fernand (un garde mobile du pénitencier) ou encore de Désiré : ce mystérieux et irrésistible imposteur aux nombreuses facettes, revêtant de multiples identités au cours de cette épopée romanesque, située dans une époque chaotique. 

Avec son graphisme détaillé, sa documentation sans faille et ses cadrages variés, Christian de Metter s’approprie formidablement ces truculentes personnalités et reconnaît avoir vraiment adoré les accompagner par son dessin et son découpage : « J’aime quasiment tous les personnages de Pierre. C’est l’une de ses grandes forces. Qu’ils soient agaçants, odieux, excessifs, naïfs, victimes ou bourreaux, ils ont finalement tous quelque chose d’attachant… et quand on en déteste un, on aime le détester. »

Cette fresque savoureuse — qui nous montre bien aussi la déroute des soldats français et les conditions de vie des prisonniers — peut évidemment se lire indépendamment des deux autres adaptations en bande dessinée des romans de Lemaître par De Metter… mais si vous ne les avez pas déjà lues, ne vous en privez pas : elles sont du même tonneau…

Gilles RATIER

(1) Parmi nos plus récents articles sur Christian de Metter voir : Adapter « Couleurs de l’incendie » : le récit d’une infernale vengeance féminine…« Nobody saison 2 » : encore un éblouissant polar signé Christian de Metter…« Nobody T1 : Soldat inconnu » par Christian de MetterEntretien avec Christian de Metter« Au revoir là-haut » par Christian de Metter et Pierre Lemaître« Rouge comme la neige » par Christian de Metter« Piège nuptial » par Christian De Metter et Douglas Kennedy« Scarface » par Christian de MetterPlus de lectures BD du 2 novembre 2009Plus de lectures BD du 22 septembre 2008Plus de lectures BD du 7 janvier 2008Plus de lectures BD du 26 février 2007Plus de lectures BD du 23 janvier 2006Plus de lectures BD du 22 novembre 2004Le Sang des valentines

« Miroir de nos peines » par Christian de Metter, d’après Pierre Lemaitre

Éditions Rue de Sèvres (25 €) — EAN : 9 782 810 212 767

Parution 8 novembre 2023

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Une réponse à Christian de Metter sublime une fois de plus un livre de Pierre Lemaitre, avec sa propre figuration narrative !

  1. Philippe Dachouffe dit :

    De la grande bd populaire avec une splendide couverture très Mitacq.

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