Attila Futaki, dessinateur de « Percy Jackson » (mais aussi du « Tatoueur » et « Movie Ghost »), est décédé…

Le dessinateur hongrois Attila Futaki s’était fait un nom dans les pays francophones grâce à des bandes dessinées policières, bien noires, dans un style inspiré – du moins à ses débuts – par les comics américains. Après son adaptation de la saga « Percy Jackson », ses deux derniers titres aux éditions Grand Angle (« Le Tatoueur » et « Movie Ghost ») l’avaient conforté comme un grand dessinateur sur lequel il fallait compter, aux yeux des lecteurs franco-belges. Né le 27 novembre 1984, il nous a quitté le 2 janvier dernier, atteint par un cancer non diagnostiqué : il n’avait que 39 ans.

Après une année à l’école d’art de Békéscsaba, sa ville natale, Attila Futaki part étudier aux beaux-arts de Budapest auprès de dessinateurs reconnu dont Andràs Karakas : illustrateur de charme et également professeur d’anatomie à l’Académie des Arts de Francfort.

Afin de perfectionner son art, il se rendra ensuite en Italie pour apprendre les arcanes du 9e art à l’École internationale de bande dessinée de Florence, côtoyant de grosses pointures du milieu : Paolo Eleuteri Serpieri, Paul Karassik, Simone Bianchi, Francesco Champi…

Son parcours montre un réel attachement international, et si son dessin est influencé par les comics indépendants, c’est dans son pays d’origine et également en France, (aux éditions Carabas) qu’il publie son premier ouvrage : « Spiral ».

Une œuvre dérangeant où un homme, emprisonné pour le meurtre de sa conjointe, s’enferme dans une folie hallucinatoire, ressassant encore et encore son passé meurtrier, jusqu’à ce qu’un vieillard l’oblige à sortir de cette spirale. Le dessin aquarellé est composé de noir simplement rehaussé par quelques touches de couleurs, dont un rouge sang qui donne son caractère oppressant à ce titre.

Embarquant avec lui ce premier ouvrage remarqué (mais dont le succès est tout relatif auprès du public), ainsi que la revue hongroise «Roham dont il était rédacteur en chef, il se rend de lui-même au célèbre Comi-Con de San Diego.

Aidé par le coloriste espagnol José Antonio Villarrubia Jiménez, il sera sélectionné par Disney pour mettre en image l’adaptation de « Percy Jackson ». Avec un dessin remarquable, dans la grande tradition des comics d’aventure, l’histoire adaptée des romans éponymes surfe sur la sortie au cinéma de cette série qui se veut une version moderne de la mythologie grecque. Néanmoins, comme si les romans se suffisaient a eux-même, les adaptations n’ont pas rencontré le large public attendu. Trois volumes sur les cinq prévus sont publiés en français chez 12bis : « Percy Jackson T1 : Le Voleur de foudre » en 2011, « Percy Jackson T2 : La Mer des monstres ») en 2013 et  « Percy Jackson T3 : Le Sort du Titan » en 2014.

Durant cette période, il va également collaborer au New York Times et ses relations vont de nouveau lui servir.

Ainsi, Jeff Lemire (« Essex County ») va le présenter au prolifique scénariste Scott Snyder (« American Vampire », « Batman – La Cour des hiboux ») qui cherche un dessinateur réaliste pour sa nouvelle création : « Severed ».

Publié entre 2011 et 2012 chez Image Comics, les sept tomes de ce comics sont édités en une seule fois en France chez Urban Comics, en 2013.

C’est un récit horrifique qui narre l’odyssée, faite de mauvaises rencontres, d’un enfant de 12 ans à la recherche de son père biologique dans l’Amérique profonde du début du XXe siècle.

Une aventure sans créature monstrueuse qui offre juste la cruauté des humains dans un spectacle malsain.

Durant sa période américaine, il va également publier, en 2012, une courte histoire basée sur l’œuvre d’H.P. Lovecraft « The Nameless City » (« La Cité sans nom »), scénarisé par Pat Mills pour le second volume de « The Lovecraft Anthology ». Ainsi qu’une aventure de Conan (« The Phantoms of the Black Coast ») sur un scénario de Victor Gischler chez Dark Horse Comics, en 2014.

Développant son propre style graphique et s’affranchissant des stéréotypes du comics, il propose dorénavant des planches aux ombres franches, à la manière de grands thrillersqui offre des personnages bien typés et une ambiance sombre. Il va ainsi publier au Lombard les deux tomes d’« Hypnos » en 2017 et 2019, sur un scénario de Laurent Galandon : voir « Hypnos T1 : L’Apprentie » par Attila Futaki et Laurent Galandon sur BDzoom.com. Dans le Paris des années 1919, Camille, une jeune voleuse qui trompe ses victimes en les hypnotisant, va passer un marché avec la police pour espionner des anarchistes qui planifient un attentat contre Clémenceau.

Le dessin va néanmoins évoluer entre les deux tomes, ce qui va déstabiliser certains lecteurs. Très fin et ligne claire dans la première partie, il va devenir un peu plus gras et moins détaillé dans la seconde : renforçant ainsi le côté énigmatique de l’aventure.

Entre ces deux volumes, il collabore au projet de « La Bande à Bonnot » aux éditions Glénat. Un pavé de plus d’une centaine de pages romançant la vie d’un des plus grands criminels français (scénario de Jean-David Morvan, Laura Pierce et Stefan Vogel). Dans cet album, son style est de plus en plus ancré dans la tradition des BD franco-belges.

Avec « L’Ange de Budapest », chez Glénat, il revient pour ainsi dire au pays.

Cette histoire complète est basée sur des faits historiques, mais extrêmement bien romancée par Gábor Tallai : un écrivain allemand vivant en Hongrie.

Il y raconte la vie chaotique et le retour au pays de John Angel : un entrepreneur qui a fait fortune aux États-Unis. Le lecteur y découvre, petit à petit, son passé tourmenté de révolutionnaire sous le nom de Jancsi Angyal.

Ici, Attila Futaki offre une nouvelle facette de son art. Son trait est extrêmement fin et, surtout, il utilise une palette de couleurs qui donne vie et chaleur à ce récit.

C’est peut-être l’une des œuvres les plus personnelles qu’il ait réalisée.

En 2020, c’est au projet collectif franco-anglais « Gryyym » qu’il collabore. Dans ce recueil horrifique, il est le premier publié avec une histoire d’une vingtaine de pages : « Cette nuit-là », d’après un scénario de Gabriel Delmas.

Et nous arrivons finalement à ses deux derniers titres : « Le Tatoueur » et « Movie Ghosts », polars réalisés pour le label Grand Angle des éditions Bamboo. Son style est de plus en plus classique et maîtrisé. Sa ligne claire aux ombres franches et ses personnages assez réalistes collent parfaitement au genre. Les scénarios étant, cette fois-ci, successivement fournis par Matz et Stephen Desberg.

« Le Tatoueur ».

C’est une grande perte pour la bande dessinée mondiale. Le talent d’Attila Futaki, qui n’a cessé d’évoluer vers une maîtrise parfaite du trait, va laisser un grand vide aux amateurs de romans noirs, pour lesquels il commençait tout juste à devenir une référence.

« Movie Ghosts ».

Toutes nos pensées vont à sa famille, ses amis et tous ses lecteurs à qui il va grandement manquer.

« La Bande à Bonnot ».

Gwenaël JACQUET, avec un peu de Gilles RATIER

« Spiral » éditions Carabas – 18 juin 2008 (20 €)
« Percy Jackson » éditions 12bis – avril 2011 à septembre 2014 (13,90 € le tome)
« Severed » éditions Urban Comics – 25 avril 2013 (19 €)
« Hypnos » T1 éditions Le Lombard – 24 février 2017 (14,50 €)
« La Bande à Bonnot » éditions Glénat  - 22 août 2018 (19 €)
« Hypnos » T2 éditions Le Lombard – 19 avril 2019 (14,50 €)
« L’Ange de Budapest » éditions Glénat  - 27 février 2019 (16,08 €)
« Le Tatoueur » éditions Bamboo Grand Angle – 31 mars 2021 (14,90 €)
« Movie Ghosts » éditions Bamboo Grand Angle – 27 avril 2022 (16,90 €)

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5 réponses à Attila Futaki, dessinateur de « Percy Jackson » (mais aussi du « Tatoueur » et « Movie Ghost »), est décédé…

  1. PATYDOC dit :

    C’est triste !… je suivais ce dessinateur depuis ses débuts. Et une fois de plus, je constate que le « milieu » ne réagit pas lorsqu’il s’agit de la disparition d’un auteur non hexagonal…

    • Gwenaël Jacquet dit :

      Qu’entendez-vous par « le milieu ne réagit pas » ? Ce décès, en plus d’avoir eu un article retraçant sa carrière ici, a été annoncé sur à peu près tous les sites de BD, voire ceux consacrés à la littérature en général ou même dans la presse nationale. Certains ne se contentant, en effet, que de reprendre le communiqué de presse, mais pas tous.

  2. PATYDOC dit :

    Je visais les lecteurs « professionnels » desdits sites BD, et non pas vous, qui avez en effet bien effectué votre travail !

  3. Henri Khanan dit :

    J’ai vu l’article d’actuabd relayé sur Facebook!

  4. Henri Khanan dit :

    Maintenant,, évidemment, Libération ne va pas titrer ce triste évènement àl a une.

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