« Tuez la Grande Zohra ! » : Yann règle ses comptes avec l’OAS !

En 1962, la guerre d’Algérie est officiellement terminée pour le général de Gaulle. Pas pour les membres d’extrême droite de l’OAS (Organisation de l’armée secrète), qui, en France comme en Algérie, multiplient les attentats plus ou moins foireux. Leur objectif : assassiner le général de Gaulle, baptisé la Grande Zohra. À travers le personnage de Martine, innocente victime de ce déferlement de violence, Yann construit une intrigue aux multiples ramifications, peuplée de personnages fictifs inspirés par les véritables acteurs de la grande histoire.

Au printemps 1988, un vieux pied-noir est découvert — assassiné — par une bande d’adolescents, dans la péniche qu’il occupait sur une rive du canal d’Orthies, non loin de Lille. En 1983, à Paris, Martine Goupil apprend qu’il lui reste encore cinq ans avant de perdre définitivement la vue, séquelles d’un attentat dont elle avait été victime à l’âge de quatre ans et où elle avait déjà perdu son œil droit. Après de longues opérations, douloureuses, qui l’ont conduite jusqu’aux États-Unis, la jeune femme recherche les criminels responsables de la destruction de sa vie.

En 1978, à l’occasion d’un débat houleux auquel participe Djamila Pellazza, une fameuse porteuse de bombes à Alger au début des années 1960, Martine Goupil rencontre Nina Chicheportiche, dont le frère et la sœur ont été victimes d’un attentat sanglant à Alger, en 1962. Les deux femmes décident d’unir leurs efforts,afin d’anéantir les survivants de l’OAS, et plus particulièrement André Chenal : le responsable du drame vécu par Martine…

Le scénariste utilise habilement des événements réels (les protagonistes, dont les noms sont légèrement modifiés ou les médias, comme « 5 Colonnes à la une »…), savourant ce jeu avec l’histoire tout en apportant une réelle crédibilité à son récit. C’est ainsi que la psychanalyste Delphine Renard devient Martine Goupil ; l’industriel algérois André Canal (gracié par de Gaulle en 1962…), André Chenal. Malgré la présence d’une quinzaine de flashbacks judicieusement positionnés, l’histoire demeure fluide et riche. Le trait volontairement semi-réaliste de Jérôme Phalippou apporte une légèreté bienvenue à cet album de 52 pages, premier volet d’un diptyque. À noter la délicatesse des couleurs sobres de Fabien Alquier.

Au cours des trois dernières décennies, Yann a cherché le bon angle pour évoquer cette page d’histoire qui le hantait depuis sa jeunesse. Habitant Marseille, fils d’un capitaine de cargo qui multipliait les rotations avec l’Algérie, il observait avec curiosité — en compagnie de ses deux frères — ce père, fervent partisan de l’Algérie française. Désireux de se libérer de ces souvenirs, qui l’obsèdent, il effectue une première tentative en 1990 avec la publication d’« OAS » aux éditions Glénat, dessiné par Louis Joos. Proposé sous un angle trop réaliste, « Aïscha » est l’unique album de cette série prometteuse qui, hélas, à l’époque, n’a pas trouvé son public. Le déclic se produit avec la découverte sur internet des travaux de Jérôme Phalippou, lequel — pour l’occasion — troque son trait réaliste pour un graphisme plus proche de la ligne claire. Résultat : une plongée crédible dans les années 1960–1980.

Né le 23 mai 1971, à Montbéliard dans le Doubs, Jérôme Phalippou — bien que passionné par le dessin — devient douanier, tout en multipliant les collaborations avec des maisons d’édition et des organismes locaux. Il se met en disponibilité de la fonction publique lorsqu’il publie « Betsy » avec Olivier Martin, aux éditions Paquet, en 2016, puis il signe la trilogie du « Merlu » avec Thierry Dubois, à partir de 2020.

On ne présente plus Yann Le Pennetier, né à Marseille le 25 mai 1954. Il commence sa carrière en 1974,avec Didier Conrad, dans les pages de Spirou avec les fameux « Hauts de pages ». On lui doit « Les Innommables », « Bob Marone », « La Patrouille des Libellules », « Lolo et Sucette », « Yoyo », « Pin-Up », « Nuit blanche », « Le Sang des Porphyre », « Odilon Verjus », « Spoon et White », « Le Grand Duc », « Dent d’Ours »… Il se révèle un excellent continuateur de séries classiques : « Le Marsupilami », « Chaminou », « Spirou et Fantasio », « Thorgal », « Buck Danny »…

Henri FILIPPINI

«Tuez la Grande Zohra ! » par Jérôme Phalippou et Yann

Éditions Paquet (15,50 €) — ISBN : 978-2-8893-2420-0

Parution 29 mai 2024

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2 réponses à « Tuez la Grande Zohra ! » : Yann règle ses comptes avec l’OAS !

  1. Garg56 dit :

    Bonjour,
    Il me semble que vous avez mis deux fois la même illustration.

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