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Dans « Whisky », Bruno Duhamel et David Ratte mettent en lumière les SDF…

26/05/2025
Par Gilles Ratier

Bruno Duhamel et David Ratte sont deux auteurs phares du label Grand Angle du groupe Bamboo, même s’ils se démarquent quand même un peu de la ligne des aventures plus classiques proposées majoritairement par ce très intéressant secteur dirigé par le scénariste Hervé Richez. C’est d’ailleurs ce dernier qui a eu l’idée de rapprocher les deux créateurs, lesquels sortent, en effet, des sentiers balisés. Le résultat de leur efficace collaboration ? Une mise en lumière émouvante et pleine d’ironie de deux attachants exclus de notre société : Amir, jeune réfugié kurde sans papier plutôt discret, et Théo, vieux clochard pure souche, bavard et politiquement incorrect. Leur relation, liée par un pacte de survie, va voler en éclat lorsque le vétéran s’entichera d’un chien trop bien toiletté pour être honnête…

Duo d’infortune, Amir et Théo sont donc deux marginaux qui vivent sous un pont et se battent pour trouver de quoi manger chaque jour qui passe et s’accommoder du regard désobligeant des gens bien comme il faut, tout en évitant les flics que l’ancêtre anar n’hésite pas à provoquer.

Ce vieux bourru, aux principes d’un autre temps, entretient un rapport de maître à élève avec le gentil Amir : même si sa conception de l’apprenti n’est, parfois, pas très loin de celle de l’esclave ! Or, quand Théo décide d’adopter un très mignon représentant de la gent canine, mais qui, comme eux, semble complètement perdu, la légendaire patience d’Amir explose, car il déteste les chiens : il y a quand même des limites à tout ! D’autant plus qu’il apprend que les propriétaires recherchent la bestiole et qu’ils offrent une récompense… C’est alors que, lors d’une promenade avec le toutou, Théo se fait passer à tabac par une bande de dealers et atterrit à l’hôpital. Ainsi, Amir se retrouve tout seul avec l’animal…

Dans cette fable urbaine aussi tendre que grinçante, sublimée par le trait caricatural d’un David Ratte (1) au meilleur de sa forme, Bruno Duhamel (2) nous propose un scénario parfaitement huilé, drôle et profondément bienveillant, sur les failles humaines et les survivants de la rue.

Avec humour, lucidité et empathie, les deux complices continuent donc ensemble leur sensible exploration du monde des marginaux — ces gens en décalage avec notre société, précaires pour la plupart —, mais nous parlent également des rapports au pouvoir, du choc des générations, du besoin universel d’être reconnu et de la quête de la dignité… On en redemande, car « Whisky » est un trop bref moment de plaisir et de profondeur !

Gilles RATIER