BEB-DEUM A TRAVERS L’ECRAN

l’exposition « Beb-Deum à travers l’écran »,
sera présentée du 8 au 11 novembre 2003
à la Cité des congrès de Nantes,
dans le cadre des Utopiales (IVe festival international de science-fiction).

 

 

Présentation de l’exposition


Emetteur d’informations, l’écran fait désormais partie de notre quotidien. LCD, à tube cathodique ou à plasma, géant ou miniaturisé, on le retrouve à notre domicile, mais aussi dans la rue, les bureaux, les salles obscures et tous les moyens de transport. Montre, réveille-matin, four à micro-ondes, poste de télévision, ordinateur, caméscope, appareil photo, chaîne hi-fi, pèse-personne, thermomètre, baladeur, agenda électronique, téléphone… Quel instrument, quelle machine n’a pas aujourd’hui son écran attitré ?

Pareille prolifération ne pouvait laisser insensible un artiste aussi réceptif aux ondes de choc du progrès que celui qui, en 1998, a troqué feutres et pinceaux contre une palette graphique, j’ai nommé : Beb-Deum. Pour le connaître, peut-être mieux que lui sous certains aspects, je peux sans me tromper dire que la télévision, et par extension l’écran, a toujours fasciné le bonhomme. Et je crois qu’elle le charme tout autant qu’elle lui fait peur. Peur d’être ébloui par cette lumière particulière, peur de son pouvoir hypnotique, peur de perdre son self-control tout autant que la raison. Peur encore, de vivre par procuration, d’être nourri de fantasmes qui ne sont pas les siens, et peur de se soustraire à la réalité. A l’évidence, cet écran qui taquine ses rétines doit, à la longue, l’irriter. Un agacement qui l’incite probablement à rester sur ses gardes et à se méfier de cette lanterne magique un tantinet maligne…Cela n’est qu’une impression, une tentative d’explication personnelle, mais je pense que ses sentiments contradictoires vis-à-vis de « l’écran » – l’attirance, la répulsion – ancrés au plus profond de son inconscient, rejaillissent au grand jour à travers ses images.

Objet récurrent dans l’œuvre de Beb-Deum, l’écran est omniprésent dans le décor de la vie moderne et participe très largement à l’imagerie de la science-fiction, véhiculée jusqu’à la caricature par le cinéma (quel vaisseau spatial digne de ce nom n’embarque pas son lot d’écrans polychromes et de boutons clignotants ?).

« Le bonheur pour tous »

Dès ses premiers instants (regardez ce bébé emmailloté, revêtu d’un masque à gaz), l’homme voit à travers un écran, dans le sens de l’objet interposé. L’écran dissimule ou protège, il fait office de bouclier. Filtre, prisme aussi, il réduit le champ de vision, altère la perception et déforme la réalité.
De nombreux personnages dessinés par Beb-Deum portent des « lunettes-écrans », et pour certains, leurs yeux ont été remplacés par des prothèses oculaires qui ne sont ni plus ni moins que les objectifs macro et télé d’une micro-caméra ultra-sophistiquée. Une façon pour l’artiste de souligner la faiblesse et peut-être l’étroitesse de l’homme, tributaire d’une technologie opprimante, dont on se demande si sa vision de la réalité a été augmentée, ou si, à l’inverse, ses organes bio-électroniques ne lui ont pas rajouté des œillères.

Sous le regard obsédant de Big Brother

L’écran est à ce point présent dans l’environnement futuriste ou rétro-futuriste de Beb-Deum qu’on peut le voir apparaître – tel un fossile luminescent – jusque dans les yeux des personnages. Cette image rémanente inscrite sur leurs pupilles cristallise le pouvoir d’attraction irrésistible de l’écran, dont les effets peuvent être dévastateurs. Certaines œuvres de l’artiste – inspiré par l’incontournable roman de Georges Orwell, 1984 – illustrent d’ailleurs bien la prise de contrôle de l’individu par l’écran, notamment via l’influx nerveux du champ électromagnétique des mass media. Grands manipulateurs devant l’Eternel dispensateurs de slogans péremptoires, ses Big Brother ensorceleurs au sourire impeccable, en apparence mielleux et séduisants, sont capables d’user insidieusement de tous les artifices pour capter l’attention et diluer leurs messages pernicieux.

« La liberté, c’est l’esclavage »

Rivé à l’écran hypnotique, le spectateur (le joueur, l’internaute, le téléspectateur) n’arrive plus à s’en distancier – la frontière entre réalité et fiction disparaissant progressivement – jusqu’à y pénétrer avant d’être absorbé par ses enzymes digestives (cf. Videodrome, de David Cronenberg), fusionner avec la « machine » et devenir lui-même un écran. Un homme-écran. Cet homme « amélioré », ce mutant symbiotique aux allures de cyborg, voit ses yeux, sa peau, ses gènes, son corps tout entier entrer dans la sphère informationnelle (regardez cette jeune asiatique, Himiko). A l’abri, enfermé dans une bulle de réalité virtuelle qu’il a créée de ses propres mains, l’homme se complaît de ses chimères sans se rendre compte qu’il en devient l’esclave.

A travers une exposition de vingt-quatre tirages divisée en deux parties, l’une « numérique », composée d’images de synthèse (réalisées avec un ordinateur), l’autre « traditionnelle », composée d’extraits de planches de bandes dessinées (scannées pour l’occasion), Beb-Deum nous livre avec ce qu’il faut d’espièglerie sa réflexion, et par conséquent ses interrogations, ses craintes, ses illusions, ses angoisses et ses espoirs quant à la société du futur et à ses nouvelles technologies de l’information et de la communication. A travers l’écran, il met en cause l’influence des médias, artisans selon lui de la défaite de la pensée, autrement dit l’action de leur injection hypodermique qui se concrétise par un matraquage à sens unique d’informations et d’idées. Enfin, à travers l’écran, Beb-Deum plonge dans la « nouvelle utopie » du cyberespace, d’où émerge la perspective d’un village global et d’une possible redéfinition de la liberté et de la démocratie. Pour le pire et le meilleur des mondes !

Biographie

Né en 1960 à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), Bertrand Demey, alias Beb-Deum, commence à dessiner très jeune. Ce moyen d’expression permet à l’enfant renfermé, mal à l’aise avec ses camarades d’école, de vivre, d’exister. Enfermé dans le dessin, il rêve de devenir dessinateur tout en étant persuadé qu’il ne pourra jamais exercer ce métier jugé fantastique, car définitivement inaccessible. Pourtant, il ne cesse de griffonner. Et de lire des fumetti (bandes dessinées italiennes). Sans relâche. Jusqu’à prendre la décision qui s’impose : l’adolescent mal dans sa peau interrompt brutalement ses études secondaires pour s’atteler aux concours des écoles d’art. En 1976, à 16 ans, il entre à l’Ecole Supérieure des Arts Appliqués Duperré à Paris, où il suit notamment les cours de bande dessinée de Georges Pichard et Yves Got. Diplômé quatre ans plus tard, l’artiste fait ses premières armes chez Métal Hurlant, découvert quelques années plus tôt grâce aux couvertures de Moebius. Jean-Pierre Dionnet et Philippe Manœuvre, les rédacteurs en chef du magazine, lui laissent d’emblée carte blanche. Excité à l’idée de publier sa première histoire, « Projection privée », l’apprenti dessinateur travaille un mois sur chaque planche. Parallèlement, quelques grands journaux et magazines lui donnent sa chance. L’illustration devient alors son gagne-pain (il travaille pour la presse, l’édition, la publicité, réalise affiches et pochettes de disques), et la BD, une passion persistante et dévorante, en marge de son travail alimentaire. En 1987, Les Humanoïdes Associés publient L’Album, compilation de dix petites histoires réalisées pour « Métal ». Suivront Région étrangère (1988) et Ma vie est un bouquet de violettes (1992), en collaboration avec son complice Jean-Pierre Dionnet, et le monumental album kafkaïen Bürocratika (1989), créé seul de bout en bout. Afin de travailler plus sereinement sur ses projets personnels, gourmands en heures passées devant sa planche à dessin, il fait des demandes de bourses tout en continuant à jongler avec les travaux de commande. Il s’expatrie en 1993 à Tokyo, puis en 1995 à Kyoto, au pays du Soleil Levant. Il y découvre un univers très dépaysant où s’imbriquent culture traditionnelle et esthétique futuriste, aux antipodes des années 30 et de la culture rock des fifties, qui l’avaient jusque-là inspiré. Dans ce monde sous tension, il s’aperçoit que tout ce qu’il avait toujours voulu retranscrire à travers ses œuvres – la solitude de l’individu face à la société, au monde inhumain – se dessine au quotidien sous ses yeux. Kodansha, un éditeur de mangas, lui commande un album de 200 pages. La théorie des dominos est édité en 1996 au Japon, avant de sortir en France l’année suivante. Entre-temps, le réalisateur Luc Besson approche l’artiste pour préparer Le cinquième élément, avant de s’aperçevoir très vite que leurs univers respectifs ne concordent pas. En 1998, l’ordinateur entre dans la vie de Beb-Deum. Il voit l’abandon du papier, de l’aérographe, de l’encre, des feutres et des pinceaux, et l’achat de ce nouvel outil (sur les conseils du photographe Laudator et du dessinateur Fred Beltran) comme une évolution logique. Publié en 1999, le recueil Eloge de la moue fait la synthèse de son travail en réunissant dessins traditionnels et créations numériques. Son dernier livre, PK12 (2003), un carnet de voyages sur la République Centrafricaine, prouve, s’il en était besoin, que nous avons la chance d’avoir parmi nous un auteur émérite dont l’œuvre atypique n’a pas fini de nous surprendre.
Beb-Deum vit et travaille à Auvers-sur-Oise (Val d’Oise).

Bibliographie

L’Album, Les Humanoïdes Associés, 1987

Région étrangère, Avec Jean-Pierre Dionnet, Les Humanoïdes Associés, 1988

Bürocratika, Les Humanoïdes Associés, 1989

Ma vie est un bouquet de violettes, Avec Jean-Pierre Dionnet, Albin Michel, 1992

Surgir de l’onde, entrer dans l’ombre, Avec Marie-Ange Guillaume, Les Humanoïdes Associés, 1993

Ode à l’X, Ouvrage collectif, Les Humanoïdes Associés, 1996

La théorie des dominos, Kodansha, 1996, Casterman, 1997

Eloge de la moue, Editions Hélène Chantereau Production / .P.M.J. Editions, 1999

e-dad,P.M.J. Editions, 2000

PK12, Editions du Rouergue, 2003

Conception et réalisation
Idée originale : Cyril Cavalié
Conception : Cyril Cavalié & Beb-Deum
Tirages :
Dupon

copyright Beb-Deum

http://www.beb-deum.com
http://www.utopiales.org



 


 

Galerie

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