PLUS DE LECTURES DU 10 OCTOBRE 2005

Le flot continu des parutions BD risque de gêner la visibilité de quelques BD non négligeables ; en voici 5, comme toutes les semaines, qui méritent votre intérêt : “ Muddy Waters ” par René Hausman aux éditions Nocturne, “ Shelena ” par René Follet et Jéromine Pasteur aux éditions Casterman, “ Abru Cadabru ” par Edika aux éditions Audie, “ Kirihito T.1 ” par Osamu Tezuka aux éditions Delcourt et “ El Ni?o T.4 : Les oubliées de Kra ” par Boro Pavlovic et Christian Perrissin, aux éditions Les Humanoïdes associés.

 


Muddy Waters ” par René Hausman


Editions Nocturne (31 Euros)


René Hausman est l’un de nos plus fabuleux illustrateurs de contes et légendes fantastiques, que ce soit au niveau des livres destinés aux enfants ou en BD : jetez un coup d’œil à ses superbes albums composés pour la collection «Aire Libre» de chez Dupuis («Laïyna», «Les trois cheveux blancs», «Le prince des écureuils», «Les chasseurs de l’aube»…) ou à ses recueils de recettes de cuisine réalisés avec Michel Rodrigue, aux éditions Au bord des continents («La grande tambouille des fées, des sorcières, des lutins…». René Hausman est aussi musicien : il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’on le retrouve au catalogue des éditions Nocturne, lesquelles font beaucoup pour les relations entre musique et BD, avec un  somptueux «Muddy Waters». L’itinéraire de ce mythique chanteur de blues, qui nous conduit du Mississippi à Chicago, est remarquablement mis en images dans la collection «BDmusic» (chaque musicien y est présenté en 22 planches de BD accompagnées d’une biographie et de deux compacts disques de leurs meilleurs enregistrements), qui accueille également une indispensable «Edith Piaf», dessinée par Catel.


 


Shelena ” par René Follet et Jéromine Pasteur


Editions Casterman (13,75 Euros)


Peinture très réaliste de l’extrême pauvreté en Amérique latine à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, cette très belle bande dessinée de 52 pages est une adaptation du roman «L’enfant qui rêvait le monde» paru chez Robert Laffont, en 2002. Son auteur, la célèbre exploratrice et écrivain Jéromine Pasteur, arrière-petite-nièce de l’inventeur du vaccin contre la rage et défenseur obstiné des Indiens amazoniens, s’est elle-même collé au découpage du scénario. Si son sens du tragique et sa qualité d’écriture sont évidents, sa narration BD est encore un peu trop expéditive car cette spécialiste du monde latino-américain maîtrise encore assez mal l’art de l’ellipse. Toutefois, l’ouvrage mérite amplement votre intérêt ! Cette histoire humaniste, qui débute à Haïti en 1880 pour se terminer au Panama, lors de la première liaison entre les deux océans via ce canal, est un beau portrait de femme, illuminé par les magnifiques dessins de René Follet. Ce trop modeste peintre de la BD, à 74 ans, est au sommet de son art ! Reconnu par ses pairs comme l’un des plus importants dessinateurs réalistes contemporains, cet immense dessinateur n’a pas encore obtenu, de la part du grand public, le succès qui lui est dû. Espérons qu’avec cet album qui risque d’attirer un lectorat différent (entre autre, grâce à la co-signature de Jéromine Pasteur), le talent de René Follet sera enfin consacré.


 


Abru Cadabru ” par Edika


Editions Audie (9,95 Euros)


Depuis 1981, avec une régularité exemplaire, Edika, le prince de la BD loufoque, livre son album annuel et comme il y en a même eu, quelques fois, deux par an, c’est le trentième issu des pages du mensuel Fluide Glacial, lequel fête, justement, ses 30 ans ! Avec son graphisme débridé servant au mieux ses phantasmes démesurés, Edika (qui est aussi le frère de Paul Carali, le leader du Psikopat) reste l’un des derniers anciens collaborateurs du célèbre magazine d’humour et de dérision, avec Binet, Hugot, Solé et Goossens, et donc l’un des derniers garants de l’esprit prôné par Gotlib le fondateur de ce journal qui est aujourd’hui en pleine restructuration : départ de Maëster et Coyote sous d’autres cieux éditoriaux et arrivée d’un nouveau rédacteur en chef (Thierry Tinlot) venu du Spirou de l’époque d’avant le rachat de Dupuis par Média Participations. Nous trouverons donc, dans cet album, 46 pages de délires nonsensiques où l’auteur, toujours aussi déjanté, n’hésite pas à se mettre en scène dans des situations improbables de la vie quotidienne : encore un ouvrage indispensable, comme de bien entendu !


 


Kirihito T.1 ” par Osamu Tezuka


Editions Delcourt (7,95 Euros)


Le public francophone, ébahi, n’en finit pas de découvrir l’œuvre gigantesque d’Osamu Tezuka ! Aujourd’hui, tous les éditeurs spécialisés s’arrachent les inédits de ce dieu du manga, à qui l’animation et la BD japonaise doivent tellement d’innovations. Cependant, il faut bien reconnaître que, ces dernières années, l’éditeur qui nous livre le meilleur de ce maître incontesté, c’est Delcourt, par l’intermédiaire de son label Akata (dirigé par Dominique Véret). Après les remarquables «Ayako» et «Barbara», voici un «Kirihito» (qui date de 1970, la période la plus intéressante de ce prolifique créateur), lequel démontre une fois de plus l’immense talent de cet auteur fertile et imaginatif. Prévu en quatre tomes, «Kirihito» nous raconte le combat d’un jeune et brillant médecin contre une maladie qui transforme peu à peu les hommes en chiens et qui est envoyé en mission sur une île où de nombreux habitants sont touchés par cette épidémie. Ce véritable plaidoyer contre l’utilisation de la science à des fins personnelles est remarquablement narré et mis en images : d’autant plus qu’ici, la modernité du découpage et du trait de Tezuka est étonnante !


 


El Niño T.4 : Les oubliées de Kra ” par Boro Pavlovic et Christian Perrissin


Editions Les Humanoïdes associés (12,60 Euros)


Vous voulez de la grande aventure ? E n voilà ! Cette série, pleine de rebondissements, multiplie les dépaysements narratifs et graphiques ! Véra, infirmière à la Croix-Rouge et fille de gitans, est toujours à la recherche de son frère siamois dont elle a été séparée à la naissance. Elle traverse alors toutes les mers et court tous les dangers pour retrouver son frangin que l’on surnomme El Niño, et qui est devenu le chef d’une bande de pirates. Au début de ce nouvel album, Véra (dont le caractère fort et indépendant est de mieux en mieux cerné) est séquestrée dans un bunker, en Indonésie ; terrassée par une crise de malaria, elle va perdre tout contact avec la réalité. Ce récit, que Christian Périssin agrémente de quelques petites pointes d’humour, est garanti 100% péripéties exotiques ! Enfin, le dessin du Croate Boro Pavlovic est très réaliste et convient parfaitement à l’ambiance de ce suspens de bon aloi !


 


Gilles RATIER


 


 

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