Depuis presque 20 ans, l’idée d’une comédie de mœurs romantique sur fond de satire politique où une Première Dame aurait la possibilité d’influencer les affaires publiques de notre pays trottait dans la tête de Didier Tonchet : prolifique créateur de BD humoristiques bien connu (ahhh, « Raymond Calbuth » !) et scénariste toujours inspiré, comme c’est le cas ici (1)… Il nous embarque avec délices dans la jouissive histoire d’une actrice engagée de seconde zone qui va gagner le cœur des Français et d’un président de la République dont la cote de popularité est en chute libre, à un an des élections : le tout mis énergiquement en images, tout au long de 270 pages, par le dessin virevoltant de Jean-Philippe Peyraud (2)…
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En quelques albums un peu plus expérimentaux (« En série » chez FRMK, « L’Intrusion » chez Rackham et deux petits bijoux illustratifs, hélas passés injustement inaperçus, aux éditions BD Music, ex-Nocturne : « Bessie Smith » et « Amalia Rodrigues » ou encore la vraie réussite graphique et narrative qu’est « Amato » sur scénario de Denis Lapière, chez Futuropolis), la jeune peintre Aude Samama commence vraiment à se faire un nom dans le milieu souvent très fermé du 9ème art (quelque soit sa forme).
Sa palette graphique très picturale, qui fait beaucoup penser à celle de l’Italien Lorenzo Mattotti (surtout sur ses albums « Feux » ou « Murmure »), est de plus en plus subtile ; et son univers graphique, relevé par l’utilisation de couleurs fauves ou clairs-obscurs (donc basé, la plupart du temps, sur l’utilisation d’huile et de pastels), s’accorde parfaitement aux propos nostalgiques du scénariste et fait partie intégrante de la narration.
L’Argentin Jorge Zentner, désormais installé en Espagne où il consacre l’essentiel de son temps au métier de psychothérapeute, marque donc, avec ce superbe « Lisbonne dernier tour » publié aux Impressions nouvelles, son grand retour au scénario de bande dessinée. Et, n’ayons pas peur des mots, c’est certainement l’une de ses meilleures prestations en ce domaine (avec, quand même, « Le Bruit du givre » réalisé avec Mattotti, justement, et « Le Silence de Malka » avec Ruben Pellejero)…
Il nous raconte avec émotion le déclin d’un mage mystérieux, aux pouvoirs spirituels exceptionnels, dépassé par la modernité ; se contentant de salles des fêtes parsemées et d’hôtels miteux, alors qu’il a connu les quatre étoiles et la célébrité : une belle et profonde réflexion sur la vieillesse et sur le déclin progressif de l’homme quand il devient « out », dans un domaine qu’il a toujours maîtrisé, et qu’il se sent alors complètement inutile !
Gilles RATIER
? Lisbonne dernier tour ? par Aude Samana et Jorge Zentner
Éditions Les Impressions nouvelles (16 Euros)