« Le Vent dans les sables » T4 par M. Plessix

Kenneth Grahame, l’écrivain britannique né à Edimbourg en 1859, est surtout connu pour son roman « Le Vent dans les saules », publié au Royaume-Uni en 1908. Ce roman devient rapidement un classique de la littérature enfantine, constamment réédité et superbement illustré par Ernest Howard Shepard. Cependant, en France, Kenneth Grahame reste longtemps ignoré, voire méprisé. Gallimard le traduit toutefois en français et en propose une édition illustrée, publiée dans la collection « Folio junior », peu lisible pour les jeunes lecteurs auxquels l’ouvrage était destiné.

C’est alors que Michel Plessix entre en scène en 1996 en se lançant dans l’adaptation de ce très joli roman pastoral. Il inaugure en même temps la collection « Jeunesse » des éditions Delcourt. Les aventures bucoliques de Rat, Taupe, Blaireau et de leur compère le baron Crapaud, séduisent rapidement un très large public. Les quatre albums qui composent l’adaptation sont une vraie réussite éditoriale puisque la série se vend à plus de 200 000 exemplaires. Elle obtient aussi un réel succès d’estime, récompensée par de nombreux prix. Le travail de Michel Plessix est reconnu par tous : il restitue parfaitement l’atmosphère si particulièrement du roman de Grahame, au charme suranné. Il dit l’amitié qui unit ces personnages, leur délicatesse de sentiments, leur aspiration à vivre une vie simple et tranquille dans une campagne souriante. Il propose un texte élégant. La tendresse, l’humour et une certaine mélancolie passent dans les planches somptueuses du dessinateur, peaufinées comme des miniatures. Il nous renvoie dans la nostalgie de l’enfance, d’un certain âge d’or fantasmé, d’une époque où le temps se déroulait au rythme des saisons et où un pique-nique au bord de la rivière constituait un moment fort de la journée ou de la vie.

En 2004, la série est achevée. Mais Plessix ne veut pas abandonner ceux qui sont devenus SES personnages. Il imagine alors d’autres aventures pour Rat, Taupe et Crapaud et entame un nouveau cycle, « Le Vent dans les sables ». Le premier album paraît en 2005. C’est « L’Invitation au voyage ». Le tonitruant Crapaud, toujours prêt à l’aventure et à la modernité, laisse en plan son manoir et la monumentale sculpture en pierre qu’on vient de lui livrer, pour répondre à l’appel du large, au démon du voyage. Rat et Taupe n’ont pas le choix : ils abandonnent leur vie douillette et se lancent à la poursuite de leur ami. Ils voyagent en clandestins dans la cale d’un navire et se retrouvent en Afrique sans un sou en poche. Ils découvrent l’Orient mystérieux, ses senteurs, ses saveurs, l’agitation des marchés, les coutumes, si éloignées des leurs, de ces étranges étrangers. Ils se laissent peu à peu happés par les lieux et les gens, et l’idée du retour dans leur campagne anglaise s’estompe doucement.

À la fin du tome 3, « La Tentation du désert », Plessix a laissé Rat et Taupe, et leur nouvel ami Samir, partir au désert, en compagnie de deux chameaux blagueurs et inséparables, Khamel et Djamel, et d’un autre, toujours enrhumé, au prénom plus exotique, Jean-Philippe. Ils sont à la recherche du Crapaud intrépide, parti sans réfléchir à la recherche d’un mystérieux Trésor sans-fond. Crapaud a laissé de nombreuses traces de son passage dévastateur : on connaît dans le pays « le type … du genre vert et bondissant capable de vouloir conduire une voiture sans avoir aucune idée de comment ça marche. » Aussi nos amis n’ont-ils pas trop de mal à le retrouver « pas encore totalement desséché, à peine comme passé au four. »

Dans « Le Chant des dunes », l’aventure continue. Il faut avancer, traverser le reg à la recherche d’indices, s’orienter dans les dunes et écouter leurs chants. Les aventuriers restent muets –une fois n’est pas coutume, devant la beauté de ces paysages ocres et blonds. Leur voyage s’avère riche d’expériences et de sensations nouvelles, de rencontres aussi avec un étrange marchand de sable puis une tribu de renards bleus qui leur offrent l’hospitalité et leur dévoilent leur trésor.
Tandis que Crapaud s’impatiente, se lamente, s’inquiète, s’énerve, comme d’habitude quoi, Rat et Taupe se laissent aller au rythme des chameaux. Ils comprennent que ce qu’ils sont en train de vivre, là, est d’une richesse inouïe …

Ce cycle « oriental » est tout aussi passionnant que le précédent. Graphiquement tout d’abord : Plessix nous offre de magnifiques images du désert, tout en finesse et en poésie. Et puis sur le fond : le voyage des nos aimables héros, fort civilisés dans leur campagne anglaise, est aussi une belle découverte de l’ailleurs et de l’autre. Ils doivent apprendre à ne pas juger d’emblée avec leurs seules valeurs, à écouter, à apprendre. Une manière douce de faire réfléchir les jeunes lecteurs sur les différences, la colonisation, les valeurs de l’échange et du respect mutuel. Enfin, le récit est émaillé de petites notes d’humour, de clins d’œil et de références que les lecteurs plus avertis s’amuseront à relever.

« Le Vent dans les sables » T4 (« Le Chant des dunes ») par Michel Plessix
Éditions Delcourt jeunesse (11,50 €)

Catherine GENTILE

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