Pour les amateurs de bandes dessinées humoristiques certifiées franco-belges, les propos ne peuvent qu’être bon enfant, les dessins d’une sagesse irréprochable : dans le but de ne pas troubler les jeunes lecteurs. Les sieurs Zidrou et Éric Maltaite, natifs du plat pays — mais, il est vrai, exilés en Espagne depuis belle lurette —, démentent ces croyances ancestrales avec une bonne dose d’humour corrosif. Après avoir joyeusement tourné en dérision l’univers impitoyable d’Hollywood (1), ils s’attaquent avec la même férocité aux vacanciers des temps modernes : ces maîtres en goujaterie envers les populations locales.
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Les armées du conquérant, Gal, Dionnet et Brown, Humanoïdes, 12,60 euros « En ce temps là, les armées du conquérant partirent pour envahir le monde. On ne savait qu’ils ils étaient ni d’où ils venaient, mais seulement qu’un jour ils …
Les armées du conquérant, Gal, Dionnet et Brown, Humanoïdes, 12,60 euros
« En ce temps là, les armées du conquérant partirent pour envahir le monde. On ne savait qu’ils ils étaient ni d’où ils venaient, mais seulement qu’un jour ils seraient là. Parfois ils étaient arrêtés, quelquefois même ils reculèrent, mais toujours ils revenaient ».
Ainsi débute de superbe album, narrant en apparence les hauts faits de 4 armées d’envahisseurs nomades, en une geste guerrière barbare, fascinante et trouble comme une idole païenne. Mais les armées du conquérant, cavaliers romanisants errant dans d’interminables déserts de pierres sombres ponctués d’incroyables cités décadentes aux réminiscences aztèques, ne sont pas les cohortes invincibles qu’annonce l’introduction. En 5 récits de guerre, de mort et d’hommes, 5 histoires de trahison, de vengeance et d’ingratitude, 5 épisodes fantastiques, cruels et surréalistes, les auteurs suggèrent combien les dieux de la guerre sont fourbes et féroces, et les vanités humaines impuissantes face aux forces obscures du hasard. Parues dans les premiers numéros de Métal hurlant, ces nouvelles héroïques et fantasmagoriques, à la puissance sauvage et au dessin d’un réalisme minutieux, se développent sur un mode équivoque, poussant l’épopée vers la désespérance existentielle de la tragédie. Des dénouements inattendus, il découle une schéma narratif prégnant, qui dilue l’épique dans l’absurde petitesse de la fatalité humaine. Y a t-il seulement une logique à tout cela ? On ne peut que douter à la lecture de cette grande bande classique, incontestable réussite tant narrative que graphique.
Joël Dubos