« Hacendado » : du western mexicain bien brutal et délicieusement sauvage !

Encore un western en BD ? Oui, mais dans ce bon gros one-shot aussi théâtral que psychologique — projet porté dès le départ par le dessinateur Gilles Mezzomo (1) qui s’est inspiré ici des récits de la collection Le Masque western qu’il lisait dans sa jeunesse, auquel s’est rapidement joint le scénariste Philippe Thirault (2) —, on pourrait presque ressentir le souffle des films de Sam Peckinpah ou de Sergio Leone. En effet, le tragique y flirte allégrement avec la violence, dans une nature hostile et grandiloquente : des décors arides où le grand spectacle est privilégié !

Dans l’état du Sonora, au Mexique, un puma solitaire est en train de décimer, en cette année 1863, le bétail de Don Armando… Mais ce n’est pas le moindre des soucis de ce riche hacendado (c’est-à-dire propriétaire d’une hacienda) : son fils, le jeune Don Diego, aurait été aperçu en ville, couteau à la main et couvert de sang, à côté de la belle Doña Joselita qu’il a surprise avec un autre homme (le fils de l’alcade) et qui gît, désormais, au milieu d’une mare d’hémoglobine. 

Persuadé de la culpabilité de ce fils retors au visage d’ange, lequel ne cesse pourtant de clamer son innocence, Don Armando, en tant que descendant des colonisateurs conquistadors espagnols, a son propre code de l’honneur : il décide alors de faire justice lui-même et de condamner sa progéniture à une mort lente… et certaine. C’est ainsi qu’il l’emmène dans le sinistre désert de la sierra, peuplé de cruels tueurs sans foi ni loi et d’Indiens belliqueux, et qu’il l’y abandonne…

Son épouse, Doña Maria, refuse, quant à elle, de croire aux horreurs que Don Diego aurait perpétrées. Prête à tout — et même à se perdre elle-même — pour sauver son fils, elle part à sa recherche, accompagnée d’un fidèle serviteur qui connaît bien tous les dangers de cet environnement désertique… 

L’attitude de cette femme, ainsi que celle d’une jeune et jolie Apache (la fille du grand chef Cleghorn), représente, peut-être, la seule part d’humanité que l’on pourra trouver dans ce palpitant et explosif récit : car le rythme est continuellement tendu, tout au long de ses 80 pages fort bien narrées et dessinées par deux vieux routiers de la BD de genre, lesquels nous montrent, ici, toute la noirceur de l’âme humaine.

Gilles RATIER

(1)  Voir par exemple sur BDzoom.com : « Les Maîtres des îles » : Eliza la rebelle« Le Vétéran » T1 par Gilles Mezzomo et Frank GiroudPLUS DE LECTURES N° 36 DU 31 MAI 2004Lame de fond

(2)  Voir par exemple sur BDzoom.com : « Glacé » : le thriller qui jette l’effroi !La rentrée des Humanos…Flesh & Bones : frissons garantis…« L’Aigle des mers T1 : Atlantique 1916 » par Enea Riboldi et Philippe Thirault« Retour sur Belzagor » T1 par Laura Zuccheri et Philippe Thirault, d’après Robert SilverbergFlesh & Bones : la collection terrifiante de Glénat Comics…Le Sang du Mississippi ? par Steve Cuzor et Philippe ThiraultLa Fille du Yukon T3 de Radovic et ThiraultUne épaisse couche de sentiments par Sébastien Gnaedig et Philippe Thirault 

« Hacendado : l’honneur et le sang » par Gilles Mezzomo et Philippe Thirault

Éditions Glénat (18,50 €) — EAN : 978-2344049716

Parution 14 juin 2023

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4 réponses à « Hacendado » : du western mexicain bien brutal et délicieusement sauvage !

  1. Patrick BOUSTER dit :

    Encore un beau western, décidément ! On ne se plaindra pas de cette qualité maintenue à haut niveau, environ tous les 2-3 mois. Le Mexique, son climat et sa violence, est bienvenu, après Jijé en plus sage, et Leone en plus cynique et théatral, et.. Blueberry bien sûr, faisant le lien entre les deux.
    Le western en BD francophone : Histoire à suivre, surtout avec les grosses pointures qui se profilent… dès Automne 2023 et après…
    Bon courage à la personne qui essaierait de collectionner, seulement en français, tout le genre western en BD !…

  2. Fred dit :

    Eh bien, il me semble que Philippe Thirault, pour le point de départ de l’intrigue, s’est très largement inspiré des « Trappeurs de l’Arkansas » de Gustave Aimard ; c’est peut-être l’effet Sonora, qui avait aussi inspiré Jijé il y a longtemps…

    • Gilles Ratier dit :

      Comme signalé dans ma chronique, mon cher Fred, ce n’est pas Philippe Thirault, mais Gilles Mezzomo qui est à l’origine du projet et qui s’est inspiré d’un western paru dans la collection Le Masque western, mais je n’en savais pas plus : il s’agit certainement de ce livre de Gustave Aimard…
      La bise et l’amitié
      Gilles

      • fred dit :

        Mon cher Gilles, tu as – comme très souvent… – raison : la dernière édition en date des « Trappeurs de l’Arkansas », publié pour la première fois en 1858, est chez Le Masque Western ! CQFD.
        Amitiés.
        fred

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