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« San Francisco 1906 » : apocalypse et Art nouveau…

26/02/2024
Par Gilles Ratier

En s’inspirant des faits chronologiques associés au tremblement de terre de 1906 en Californie — qui a notamment touché la ville de San Francisco — et de ses consécutions entre le 17 et le 18 avril au matin, tout en injectant des interactions totalement fictives, le scénariste Damien Marie et le dessinateur Fabrice Meddour proposent, dans le premier tome de ce diptyque, un beau récit très bien documenté… qui est, aussi, musical et mythologique ! Une palpitante et envoûtante intrigue, sur fond d’histoire de l’art…

Ce 17 avril 1906, alors que la nuit tombe sur San Francisco, une jolie femme de chambre vient prendre, en soirée, son service au majestueux Palace Hotel. Ce n’est pourtant pas un jour comme les autres, puisque, aujourd’hui, le fameux ténor italien Enrico Caruso, actuellement aux États-Unis pour une série de concerts, se produit, en ce moment même, sur la scène du Grand Theatre Central…

En vérifiant la tenue de la chambre, la petite bonne découvre, dans le lit de la vedette du jour, un colis qu’elle n’aurait pas dû voir. Elle est alors surprise par deux menaçants mafieux qui volent le mystérieux paquet et kidnappent l’ingénue, avant qu’ils ne tombent eux-mêmes sur trois membres d’une triade chinoise. Libérée, la soubrette s’empare de l’objet du délit qui se révèle être un précieux tableau, sans se douter que les pires clans criminels de la ville sont prêts à tout pour le récupérer… En effet, Caruso a été contraint, par la mafia, de convoyer une toile du célèbre peintre autrichien Gustav Klimt (l’un des artistes les plus en vue du mouvement Art nouveau) : l’une de ses trois « Judith »… Embarquée dans une affaire qui la dépasse, l’issue semble de plus en plus désespérée pour la jeune fille. C’est alors que le sol se met à bouger et qu’un incroyable tremblement de terre va dévaster le comté.

Pour l’anecdote, c’est le dessinateur Éric Hérenguel (« Krän », « Lune d’argent sur Providence », « Ulysse 1781 », « The Kong Crew »…) qui, lors d’une visite en son atelier La Fabrik il y a déjà 20 ans, aurait donné l’idée à Damien Marie (1) de s’emparer de l’histoire de ce séisme pour en faire une fiction : un peu comme cela avait été fait au cinéma en 1936 dans un inoubliable film de W. S. Van Dyke portant simplement le nom de la ville (avec Clark Gable, Jeanette MacDonald et Spencer Tracy).

Parsemé de judicieux flash-back, ce prenant récit — dont on attend impatiemment la suite et fin dans le prochain volume — a été concocté par un émérite scénariste trop peu médiatisé, alors qu’il nous a pourtant conquis avec de nombreuses bandes dessinées de genre ou autres : ne serait-ce que récemment avec l’émouvant « Ceux qui me touchent » chez le même éditeur. D’autant plus qu’il est sublimé par les superbes illustrations en couleurs directes (passant de la sépia à la quadrichromie) d’un Fabrice Meddour (2) qui se faisait rare en BD ces temps-ci et qui nous revient en pleine forme : son style réaliste convenant parfaitement au côté apocalyptique de l’histoire.

Gilles RATIER