Faire face à l’adversité, grâce au « Partage des mondes » d’Olivier Grenson !

Avec ce merveilleux (dans tous les sens du terme) récit sur le deuil et la transmission, le talentueux Olivier Grenson — dessinateur de la série « Niklos Koda », d’un « XIII Mystery » ou encore du très beau « La Fée assassine » (1) — mêle plusieurs strates narratives : jouant avec l’Histoire, le conte écologique et la poésie onirique. En septembre 1940, en plein Blitz londonien, le vieil Isaac, un jardinier de Kensington, a perdu sa femme Eva sous les décombres. Or, au beau milieu du tumulte des sirènes, il va rencontrer Mary : une petite fille évacuée qui, elle, ne retrouve plus sa famille… Plus de 200 pages, dans un album au format traditionnel, aussi émouvantes que pertinentes !

Depuis des semaines, les vagues successives des bombes de la Luftwaffe tentent de faire plier la Grande-Bretagne en dévastant Londres. Elles ont laissé deux trous béants dans la vie d’Isaac : celui de son appartement qui a été éventré par ces engins de mort (et qui lui tient désormais lieu de fenêtre) et celui qui est présent dans son cœur, car sa femme Eva, elle, n’a pas survécu à ces attentats. Chaque jour qui passe l’attire un peu plus vers les abîmes…

La découverte de Mary, enfant perdue dans ce décor apocalyptique, alors que s’annonce une nouvelle attaque allemande, va lui redonner de l’espoir. Réfugié avec la petite dans le métro, au chœur du chaos, Isaac va l’aider à oublier la violence humaine en lui improvisant un conte : « L’Histoire de l’arbre aux mille couleurs ». C’est ainsi, que, juste pour elle, il devra réapprendre à vivre, à rêver, à réinventer… et à croire à un monde enchanteur.

Cette histoire, totalement en résonance avec ce que nous supportons aujourd’hui, donne des clés pour se positionner, résister et encaisser, lorsqu’on est victime de catastrophes qui nous tombent sur la tête : quand tout semble s’effondrer autour de nous…. Se réfugier dans le merveilleux, avec un conte ancré dans le réel, n’est-ce pas ce qu’il nous faut aider à faire éclore ? C’est du moins ce que font les deux principaux personnages du « Partage des mondes » qui, pour échapper à l’horreur de la vraie vie, se créent un monde à eux : se mettant dans une bulle pour oublier la réalité. Finalement, qu’est-ce qui nous fait vraiment vivre ? Est-ce notre quotidien ou les histoires que nous inventons ? Le pouvoir de la fiction, la puissance des contes et de l’imaginaire, n’est-ce pas plus fort que tout ?

En constante progression, Olivier Grenson n’hésite pas, ici, à sortir de ses zones d’aisances : à se mettre en difficulté sur des planches réalistes grisâtres (notamment celles du début sur les bombardements d’un Londres déjà poussiéreux et envahi par le brouillard), en employant diverses techniques graphiques (trait au crayon, lavis d’aquarelle et d’encre, mise en couleurs directes aux crayons ou à l’acrylique…) ou se laissant immerger par le récit, tout en maîtrisant sa narration sur quasiment 240 pages…

Nul doute que sa prochaine et nouvelle collaboration avec son épouse Sylvie Roge au scénario (après « La Fée assassine ») lui permettra de gravir encore un pas vers sa quête de perfection…

Gilles RATIER

(1)  Sur Olivier Grenson, voir notamment sur BDzoom.com : « La Fée assassine » : un récit poignant et très réussi, réalisé par le couple Grenson !« XIII Mystery T13 : Judith Warner » par Olivier Grenson et Jean Van Hamme« Niklos Koda T15 : Le Dernier Masque » par Olivier Grenson et Jean DufauxOlivier Grenson (« La Douceur de l’enfer ») : Entre gris clair et gris foncé…« La Douceur de l’enfer » T1Plus de lectures 2008

« Le Partage des mondes » par Olivier Grenson

Éditions Le Lombard (25,90 €) — EAN : 9 782 808 211 925

Parution 5 avril 2024

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