Franck Bouysse, écrivain corrézien renommé, est un amateur érudit du 9e art depuis longtemps (1). Après avoir commis, avec son talent narratif habituel, le scénario de la BD « Été brûlant à Saint-Allaire » (un scénario original pour Daniel Casanave) (2) et adapté, avec son complice Fabrice Colin, l’un de ses autres drames ruraux (« Glaise ») dessiné par Loïc Godard, il remet aujourd’hui le couvert en réinterprétant lui-même son « Grossir le ciel » pour la bande dessinée. Ce roman sombre — dur et âpre, mais intense et poignant —, récompensé par le prix Polar Michel Lebrun en 2015 et le prix SNCF du polar en 2017, est mis subtilement et sobrement en images par le prometteur Borris : le dessinateur de la BD « Charogne », quant à elle lauréate du prix Quai du polar en 2019.
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Alors là : chapeau ! Réussir à nous passionner à nouveau avec l’intrigue universellement connue des « Trois mousquetaires » n’était pourtant point aisé?
D’autant plus quand on nous assène un trait jeté, un peu à la Joann Sfar ou à la Reiser mais en plus élégant (j’allais dire féminin), chez un éditeur, plutôt branché « d’jeuns », publiant des histoires déjantées et mangaesques au dessin formaté pour séduire ce public n’ayant que peu d’atomes crochus avec de vieux briscards dans mon genre !
La bonne idée de cette habile résurrection, c’est d’avoir donné, avec une énergie peu commune, le premier rôle à Milady de Winter, espionne à la solde du cardinal de Richelieu se retrouvant, seule contre tous, en lutte contre le machisme ambiant. Ainsi, le roman d’Alexandre Dumas, qui est pourtant lui-même plus complexe que l’on pourrait croire, prend une autre dimension : toutes les manipulations et les humiliations subies par la belle protagoniste, en fait ici plus victime qu’intrigante, se faisant enfin jour dans des aventures rocambolesques menées à un train d’enfer !
Si les premiers opus bédéesques réalisés par mademoiselle Maupré ne nous avaient pas vraiment convaincu (que ça soit la retranscription des cours de son professeur des Beaux-Arts dans « Petit traité de morphologie » chez Futuropolis ou son adaptation, en deux tomes, des « Contes du chat perché » de Marcel Aymé chez Gallimard), nul doute que ses différentes expériences (sans parler de celle qui a consisté à travailler sur le film d’animation « Le Chat du rabbin » réalisé par un certain Sfar) lui ont permis d’arriver à une vraie maturité narrative : et cela ne pouvait pas mieux démarrer qu’avec ce premier volume aussi survolté que mélancolique, lourd de cent trente belles pages en noir et blanc, où elle nous dévoile, en plus, un étonnant sens du mouvement !
Gilles RATIER
« Milady de Winter » T1 par Agnès Maupré
Éditions Ankama (14,90 Euros)
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