Deux ans après la publication remarquée en 2022 du premier opus de « 1629 : l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta » (1), voici la seconde partie : laquelle devrait combler ceux qui se sont passionnés pour ce formidable thriller maritime. Un huis clos éprouvant — inspiré aux auteurs par une histoire vraie déjà adaptée en BD par Jean-Denis Pendanx et Christophe Dabitch (2) — qui renoue avec les grandes séries d’aventures exotiques…
Lire la suite...Réédition bienvenue d’un classique des sulfureuses BD italiennes des années 1970/1980…
Si « Les Brigands » [« I Briganti »] de Magnus (1) est très inspiré par le roman chinois du XIVe siècle « Au bord de l’eau », l’auteur italien a remanié le texte d’origine à sa sauce, en plaçant l’intrigue dans un étrange univers de science-fiction moyenâgeuse et en la pimentant régulièrement d’une bonne poignée d’érotisme. Cette histoire d’une bande de bandits révolutionnaires qui menacent le pouvoir impérial — dont les dirigeants, sournois et corrompus, exploitent un peuple épuisé par la pauvreté et l’injustice — est mise en valeur par un habile trait noir et blanc stylisé : marque de fabrique du créateur de « Nécron », « Milady 3000 », « Les 110 Pilules » ou « Alan Ford »… lequel a consacré presque 25 ans de sa vie à cette saga rétrofuturiste…
Ayant suivi une troupe de théâtre en Asie Mineure, de 1977 à 1978, Roberto Raviola, dit Magnus, interrompt quelque temps sa gigantesque production destinée aux populaires fumetti et en profite pour mieux se documenter sur la littérature classique orientale qui le passionne de plus en plus.
À son retour en Italie, tout en se consacrant principalement à la suite de l’explosif polar politico-social « Lo Sconosciuto » créé pour les éditions de Vascello (rebaptisé « Le Spécialiste » ou « L’Inconnu » en France), il reprend la réalisation de cette adaptation libre d’un conte insurrectionnel chinois, attribué à Shi Nai’an et Luo Guanzhong, qu’il avait entamée entre 1973 et 1975.
Les neuf premiers épisodes, suivis par les trois autres dessinés entre 1976 et 1978, ne seront publiés qu’à partir de novembre 1978 dans le magazine éphémère FAN d’Edifumetto ; lequel éditera également, en 1979, une compilation des 12 premiers chapitres.
Dix ans après, Magnus renouera avec cette série subversive et en proposera deux nouveaux actes dans la revue Comic Art, en 1988 et en 1989.
L’ensemble de cette étonnante adaptation sera enfin réuni en quatre albums aux éditions L’Isola Trovata, entre 1987 à 1990.
En sus, l’auteur prévoyait également une conclusion en deux ultimes chapitres qu’il ne réalisera finalement jamais, devenant de plus en plus perfectionniste sur ces derniers projets en cours : notamment sur le long épisode en 224 pages du western « Tex Willer » – sur un scénario de Claudio Nizzi et réalisé avec l’aide de Giovanni Romanini (2) - qui va l’occuper pendant sept ans (jusqu’à son décès en 1996) et qui est paru aux éditions Bonelli dans la collection Tex Gigante : « La Vallee del terrore » (traduit justement en français « La Vallée de la terreur » chez Clair de lune, en 2014).
Cette bande dessinée inaboutie qu’est « Les Brigands », qui fut quand même l’œuvre de la vie de Magnus, a été tout d’abord éditée en français, en partie (puisque la série était encore en gestation), dans deux opus intitulés « Les Brigands » aux Humanoïdes associés, en 1982. Enfin, entre 1990 et 1992, l’éditeur belge Magic Strip traduit l’intégralité de l’édition italienne de L’Isola Trovata en quatre volumes en noir et blanc, sous le titre « Les Partisans », de 1990 à 1992.
La présente version du label Revival de Vincent Bernière (3), réagencée et entièrement retraduite par Bettina Kee, est reformulée en une intégrale cohérente de 243 pages de BD — ce qui permet de mieux apprécier la richesse et la complexité de la narration, digne des grands romans populaires écrits par des feuilletonistes comme Alexandre Dumas, Eugène Sue ou Paul Féval —, précédées d’une introduction instructive de Christian Marmonnier : le papier mat mettant en valeur la finesse et la beauté de l’encrage du dessin en noir et blanc omniprésentes dans ce steampunk inachevé qui oscille entre « La Guerre des étoiles » de Georges Lucas et le « Flash Gordon » d’Alex Raymond ou celui de Dan Barry.
(1) Voir le « Coin du patrimoine » de notre site BDzoom.com consacré à Magnus : Roberto Raviola dit Magnus.
(2) Voir le « Coin du patrimoine » de notre site BDzoom.com consacré à Giovanni Romanini : Romanini, auteur protéiforme….
(3) Après avoir ressorti certains classiques d’auteurs d’hier et d’aujourd’hui — d’Alain Saint-Ogan à Joe Matt ou Peter Bagge, en passant par Alberto Breccia, Nicolas Devil, Wallace Wood, Jean-Claude Poirier, Guy Colwell, Massimo Mattioli ou Hisashi Sakaguchi — au sein du catalogue de Revival (voir https://editionsrevival.fr), Vincent Bernière nous annonce, pour septembre, la publication d’un nouveau journal de bandes dessinées internationales de création — Bastien Vivès, Chris Ware, Winshluss, Seth… seraient de la partie —, qui proposerait également la redécouverte de pages méconnues dues à des légendes comme Gérard Lauzier, Georges Pichard, Andrea Pazienza, Shinichi Abe, Hideshi Hino, Jordi Bernet… Prétendant ainsi réconcilier les anciens et les modernes, dans la lignée du Charlie mensuel (version Georges Wolinski) dont ce Charlotte mensuel se réclame : voir abonnez-vous à Charlotte mensuel.
Nous jugerons sur pièce, à parution…
« Les Brigands » par Magnus
Éditions Revival (38 €) — EAN : 9 7791 096119 84 4
© Magnus © Revival 2023
Je précise que les opus parus aux humanos sont quant à eux en couleurs.
Bonjour, je suis surpris par votre affirmation, PATYDOC, car les deux opus ( que j’ai sous les yeux ) intitulés « Les Brigands » parus aux Humanoïdes associés, en 1982, sont en Noir et Blanc. Y-aurait-il confusion avec Milady 3000 ?
Cher Gilles, merci pour l’hommage à un des auteurs les plus représentatifs de la BD italienne 70-80. Je me permets de préciser que selon mes infos la Compagnia de la forca ne fait pas suite à une experience de l’Auteur en Asie (on en trouve pas trace dans tous les profils biographiques) mais plutôt est un hommage aux pellicules de Monicelli ‘Brancaleone’ et ‘Brancaleone va alle crociate’ et avait été dejà ‘annoncé’ avec la BD Maxmagnus conçue avec son premier partenaire Max Bunker (Luciano Secchi) créateur de Alan Ford.
Le Tex (ou Texone vu la dimension et la longueur) est un projet qui a occupé l’Auteur (et Romanini qui a dessiné touts les chevaux dans l’album…) pour 7 ans jusqu’à la mort en 1996. Sergio Bonelli avait affiché en permanence dans son bureau les fax de Magnus qui annonçait le bouclage du Texone! Le Texone de Magnus reste à jamais une des ouvres majeures de la BD italienne des touts les temps. Magnus, déjà malade, a tout donné pour completer le Texone avant son décès. Il avait meme décidé de se déplacer dans une petite ville de l’Emilia Romagna (Castel del Rio) pour se consacrer exclusivement au Texone.
Cordialement
Merci Fabio pour cette information que j’ai intégrée dans le « Coin du patrimoine consacré » à Magnus (Roberto Raviola dit Magnus). Mes informations de l’époque ne devaient pas être bonnes (ou mal traduites), mais j’avoue que je n’ai pas revérifié cela lors de l’écriture de la chronique sur « Les Brigands » !
J’en ai évidemment profité pour corriger cet article également !
Bien cordialement
Gilles RATIER