Franck Bouysse, écrivain corrézien renommé, est un amateur érudit du 9e art depuis longtemps (1). Après avoir commis, avec son talent narratif habituel, le scénario de la BD « Été brûlant à Saint-Allaire » (un scénario original pour Daniel Casanave) (2) et adapté, avec son complice Fabrice Colin, l’un de ses autres drames ruraux (« Glaise ») dessiné par Loïc Godard, il remet aujourd’hui le couvert en réinterprétant lui-même son « Grossir le ciel » pour la bande dessinée. Ce roman sombre — dur et âpre, mais intense et poignant —, récompensé par le prix Polar Michel Lebrun en 2015 et le prix SNCF du polar en 2017, est mis subtilement et sobrement en images par le prometteur Borris : le dessinateur de la BD « Charogne », quant à elle lauréate du prix Quai du polar en 2019.
Lire la suite...Le déserteur 1 : Nuit de chagrin, par Kris et Obion
Du déserteur, le lecteur entend parler dès les premières cases de l’album : ancien élément des troupes d’élites de l’armée citoyenne, celui qui se fait appeler Kyle Sanders se serait enfui et, après cinq ans de luttes clandestines, comme mercenaire, près de la frontière extérieure, il serait de retour dans la grande cité.
La nouvelle réjouit les manipulateurs et comploteurs en tout genres, hommes politiques ou truands, qui imaginent parfaitement le clandestin servant leurs intérêts comme bouc émissaire de leurs futures actions à la morale plus que douteuse.
Car l’essentiel du premier volume de cette nouvelle série, dans lequel le dénommé Kyle Sanders ne joue finalement qu’un rôle de témoin, se situe bien autour des compromissions diverses liées aux futures élections municipales. Il flotte une odeur insurrectionnelle – qui touche tous les niveaux de la population – tout au de cet album au cours duquel la pression populaire et politique monte progressivement. Les opinions se radicalisent de plus en plus, exacerbées par les guerres transfrontalières qui durent depuis des décennies.
Ce climat, Kris (le scénariste, auteur par ailleurs de Toussaint 66 chez le même éditeur) et Obion parviennent à nous le communiquer, par petites doses, grâce à leur sens aigu de la mise en scène , malgré un récit offrant une intrigue complexe (tant mieux direz-vous !)et la construction d’un univers (passage obligé en fantasy), très original tout en étant profondément réaliste.
Cette nouvelle série de politique-fiction mâtinée d’héroic-fantasy (ou l’inverse, selon la suite que les auteurs donneront à cette histoire), mérite plus qu’un coup d’œil, en espérant que les prochains volumes en confirment l’intérêt. LT