Commencée en décembre 1975 dans le premier numéro d’Imagine, « La Quête de l’oiseau du temps » trouve 50 ans plus tard la conclusion… du second cycle : « Avant la quête ». Et Serge Le Tendre et Régis Loisel — avec la complicité de Vincent Mallié — réussissent la performance de réunir magistralement les deux époques. Encore une série culte des années fastes de la « nouvelle BD » des années 1970 qui se porte à ravir ! D’autant plus qu’à « Avant la quête » pourrait succéder « Après la quête » : un volume unique que Régis Loisel a encore tout récemment évoqué en interview (ou en privé), qu’il devrait dessiner lui-même et qui mettrait la focale sur l’errance d’un Bragon âgé et perdu dans sa folie.
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On le sait bien, les favelas de Rio, c’est misère, précarité, trafics et guerres de gangs. La lutte pour les territoires, liée aux trafics de drogue notamment, suppose des arrangements, des protections et pas mal de concessions. Traitées avec humour sous le mode animalier, l’album « Rua Viva ! » le montre bien…
Dès la couverture (très réussie), on pense inévitablement à Jano et à sa faune zonarde et décalée. Alors qu’à l’arrière-plan, teintée d’un bleu lunaire, une ruelle descend vers la ville lumière, au premier plan, nimbés de couleurs chaudes, des individus à tête de porc, de canard ou de crocodile s’occupent : ils jouent aux dominos, boivent, fument ou tiennent fermement leur armement. Tout est calme, pourrait-on dire, mais rien n’est plus trompeur. On retrouve ce décor de la ville de « là-en-haut », mais vue d’en bas, dès la première planche où des types montent un plan (foireux, évidemment) pour aller s’éclater toute la nuit dans une fête (un « Baile Funk » !) pas faite pour eux.
Une autre histoire s’intéresse à ceux qui quittent le Nordeste brésilien pour aller tenter leur chance à la ville. Mais en s’installant dans la favela, Miriam sait que José fait une erreur. Vivre là, c’est minable, pourri, elle l’a bien compris et les talents de décorateur de son mari naïf et veule vont lui donner raison… L’album réunit d’ailleurs beaucoup de ces personnages déclassés, gentils mais faibles, comme Raposa et Polvo qui vont à l’école la peur au ventre à cause du molosse d’un flic pas très net. C’est le cas encore de « Cette baltringue de Coelho ». Il est doux, donc faible, donc victime, constamment insulté, humilié. Reste à prouver qu’il peut être fort ou qu’il a des amis dangereux, mais les réputations, ça se fait et ça se défait et pas toujours comme on veut !
Dans cet univers déjanté, mais finalement pas si loin de la réalité, il faut reconnaître aux auteurs, un sens du détail dû semble-t-il à un séjour carioca du scénariste et à des anecdotes bien réelles recueillies sur place. Quant à Julien Loïs, il est capable de portraiturer avec brio des animaux pas possibles et, quand il le veut, de brosser de très bons décors de bidonvilles aux ruelles déglinguées, s’offrant le luxe quelquefois de scènes de rues très animées, comme ce marché au pied de la colline tout à fait pittoresque (page 37). Le talent du dessinateur a d’ailleurs déjà été reconnu par les éditions Charrette qui ont publié de lui deux albums.
Alors, bon voyage !
Didier QUELLA-GUYOT : L@BD->http://9990045v.esidoc.fr/ et sur Facebook.
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« Rua Viva ! T1 : Noticias » par Julien Loïs et Eldiablo
Éditions Aaarg ! (14,90 €) – ISBN : 978-2-37031-028-6